Dans l'asthme léger à modéré

Regard critique sur la position du Gina

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Publié le 23/01/2020
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Le traitement de l’asthme léger à modéré fait l’objet de débat au sein de la communauté pneumologique, notamment depuis les dernières propositions du Gina. Que faut-il en penser ? L’avis de la Pr Chantal Raherison-Semjen (Bordeaux).
Une stratégie pas entièrement étayée... ni entérinée par les autorités

Une stratégie pas entièrement étayée... ni entérinée par les autorités
Crédit photo : phanie

« On parle couramment des dernières recommandations du Gina dans l’asthme, alors qu'il s’agit en fait, cette fois-ci, d’un avis d’experts, avertit d'emblée la Pr Chantal Raherison-Semjen (CHU de Bordeaux), qui prendra prochainement la présidence de la SPLF. C’est une nuance de taille qui montre bien que ce sujet mérite débat. » Le texte du Gina supporte l’idée que tous les patients auraient besoin d’un traitement de fond par corticothérapie inhalée (CSI), à faible dose, associée à un bronchodilatateur à longue durée d’action (B2-LDA), ce dès le palier 1 à la demande, même quand les symptômes sont peu fréquents. Les bronchodilatateurs β2 adrénergiques à courte durée d’action (B2-CDA) passent ainsi au second plan.

Pour la Pr Chantal Raherison-Semjen, la stratégie du Gina a le mérite de faire un focus sur un grand nombre de patients que l’on a eu parfois tendance à moins considérer – comparativement à ceux souffrant d’asthme sévère. Or, eux aussi, sont à risque d’exacerbations graves.

Des populations très hétérogènes

Mais l’asthme est une maladie très hétérogène qui présente une grande variété de phénotypes cliniques. « L’asthme dit léger à modéré (anciennement palier 1 à 3) englobe des patients ayant des fréquences de symptômes très variées. Et c’est là toute l’ambiguïté, prévient la spécialiste. Le texte du Gina se fonde sur des études un peu anciennes englobant des populations très hétérogènes : certains patients prenant des B2-CDA une fois par mois pour faire de l’exercice et d’autres plusieurs fois par semaine. » Ces études démontrent que les CSI à faible dose préviennent les exacerbations graves, réduisent les symptômes ainsi que le risque d’hospitalisation et de décès : l’asthme est bien une maladie inflammatoire et les CSI sont indubitablement la pierre angulaire du traitement de fond.

Le Gina s'appuie également sur les études Sygma 1 et 2, qui ont montré le bénéfice à utiliser une association à faible dose CSI-formotérol. « En fait, dans ces études, l’association fixe budésonide-formotérol à la demande est non inférieure à un traitement continu par budésonide. De plus, au vu des caractéristiques initiales des patients inclus, je pense qu’on les aurait mis d’emblée sous traitement de fond : ils relevaient d’un palier 2 plutôt que d’un palier 1 », pointe la Pr Raherison-Semjen.

Pas d’argument en faveur d’une toxicité des B2-CDA

Concernant les décès liés à l’asthme, dans une étude britannique réalisée en 2014, les personnes décédées avaient une consommation excessive de B2-CDA (plus d’un inhalateur par mois)… mais une majorité n’avaient pas de traitement de fond adapté par CSI, ni de suivi médical régulier. « La consommation de B2-CDA est un critère de mauvais contrôle de l’asthme qui peut entraîner un décès. Mais aller jusqu'à parler de toxicité me semble aujourd’hui très dangereux. Pour l’instant, il n’y a pas eu de signal d’alerte de la FDA, de l’EMA ou de l’ANSM. Cela me paraît être, plutôt, une source de confusion et d’anxiété pour les patients, mais aussi pour les médecins, les urgentistes… Que doit-on leur dire ? Cela n’a pas été anticipé, s'inquiète la Pr Chantal Raherison-Semjen. Le texte du Gina précise bien, d’ailleurs, que la stratégie préconisée (B2-LDA/CSI à la demande) n’a pas encore été entérinée par les autorités sanitaires. Il y a même eu un avis négatif en septembre dernier au niveau européen. Sans parler du coût ! » Il semble donc urgent d’attendre et de raison garder.

Entretien avec la Pr Chantal Raherison-Semjen (CHU de Bordeaux)

Dr Christine Fallet

Source : Le Quotidien du médecin