En médecine d’urgence, les scores d’aide au diagnostic sont devenus incontournables pour optimiser la sécurité du patient. La douleur thoracique peut être le signe d’une pathologie à hauts risques de morbimortalité telle que l’infarctus, la dissection aortique, l’embolie pulmonaire ou la péricardite. « L’utilisation de scores contribue à éviter de passer à côté d’un diagnostic grave. Cela nous permet aussi de créer des groupes de prévalence (patients plus ou moins à risque de pathologies graves), nous permettant de choisir et interpréter l’examen paraclinique le plus adapté », souligne le Dr Thomas Moumneh, praticien dans le département de médecine d’urgence du CHU d’Angers, qui présentait une session sur ce thème.
Ces scores peuvent être créés via une approche statistique mais, aussi, via une méthode intuitive et empirique, fondée sur la pratique médicale et les avis d’experts. « Aucune méthode n’est supérieure à l’autre. Ce qui importe c’est d’utiliser les scores de façon appropriée à leur niveau de validation. De nombreux scores d’évaluation diagnostique sont disponibles, par pathologie, dans le domaine de la douleur thoracique. Néanmoins, ceux-ci ne remplaceront jamais le médecin. Son rôle est essentiel : face aux symptômes d’un patient donné, seul le praticien est à même de suspecter une maladie en particulier et peu de scores sont, aujourd’hui, capables de résoudre ce problème », assure le Dr Moumneh.
Affiner l’hypothèse
En effet, les scores d’aide au diagnostic se déclinent par pathologie. Concernant l’embolie pulmonaire (EP), ils sont largement employés, car les performances des tests biologiques existants restent médiocres. « Il existe des stratégies qui adaptent le seuil des biomarqueurs diagnostiques à l’âge du patient et d’autres à la probabilité clinique », explique le Dr Moumneh. La stratégie diagnostique associe l’estimation de la probabilité prétest, établie à partir de l’anamnèse et de l’examen clinique, puis le dosage des D-dimères (DD) et le recours éventuel à l’angio-TDM thoracique. Les algorithmes permettent d’optimiser les DD, évitant une surutilisation de l’angio-TDM thoracique. « Des adaptations du seuil des DD permettant d’exclure l’EP (en fonction de l’âge ou d’autres critères) ont donc été proposées », précise le Dr Moumneh. Le score Years, par exemple, différencie le seuil de DD en fonction de trois critères du score de Wells (signes cliniques de thrombose veineuse profonde, hémoptysie, diagnostic d’EP le plus probable), avec un seuil à 500 ng/ml en présence d’un critère ou plus et à 1 000 en l’absence de critère.
Autre innovation : la combinaison de scores validés dans l’étude Modigliani menée par le Pr Yonathan Freund, du service d’accueil des urgences de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (1). « Cette étude a montré qu’en cumulant différents scores diagnostic de l’EP (les règles Perc, le score Years et les D-dimères ajustés à l’âge) aux urgences, le médecin peut diagnostiquer ou exclure l’EP de façon fiable », affirme le Dr Moumneh. Le Pr Pierre-Marie Roy (département de médecine d’urgence du CHU d’Angers) propose, quant à lui, le score 4-PEPS, qui permet de classifier les patients en une seule étape et d’optimiser encore le recours à l’angio-TDM thoracique (2).
Gagner du temps
Dans le syndrome coronaire aigu (SCA), les scores diagnostiques ont longtemps été mis de côté. Une élévation de troponine suffisait à poser le diagnostic d’infarctus. Désormais, de nombreux scores prédictifs aident à l’amélioration de la prise en charge du SCA. « Par exemple, le score Heart permet une aide diagnostique intéressante avec une bonne valeur prédictive », souligne l’urgentiste. Ses critères se répartissent en cinq points : anamnèse, électrocardiogramme, âge, facteurs de risque cardiovasculaires et troponinémie. Il permet de classer les patients en trois catégories de risque, faible, intermédiaire et haut. Les recommandations américaines le mettent désormais en exergue. « De notre côté, au CHU d’Angers, nous travaillons actuellement sur un score Heart partiel, le score Hear, sans item de biologie. Dans l’étude eCare (en cours), nous utilisons ce score en pratique clinique pour exclure l’hypothèse d’un SCA sans utiliser le dosage de la troponine. Notre score permet d’écarter très rapidement le diagnostic de SCA puisqu’il se passe de dosage biologique, tout en gardant un profil de sécurité semblable. Cela nous permet de gagner du temps afin de nous concentrer sur d’autres pathologies aux urgences », souligne le Dr Moumneh.
Exergue : « Seul le praticien est à même de suspecter une maladie en particulier »
Entretien avec le Dr Thomas Moumneh (CHU d’Angers) (1) Freund Y et al. JAMA. 2021;326(21):2141-9 (2) Roy P et al. JAMA Cardiol. 2021;6(6):669-77
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