Les urgentistes pour la généralisation du service d’accès aux soins

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Publié le 10/06/2022
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Garantir l’accès aux soins vitaux, urgents et non programmés, partout et à toute heure : tel est l’objectif du service d’accès aux soins (SAS). Ce nouveau service d’orientation de la population dans leur parcours de soins est appelé à s’étendre à l’ensemble du territoire d’ici la fin de l’année 2023.

À ce jour, aucune communication n’a encore été effectuée auprès du grand public

À ce jour, aucune communication n’a encore été effectuée auprès du grand public
Crédit photo : phanie

C’est désormais acté : le service d’accès aux soins (SAS) doit être progressivement généralisé à l’ensemble de la France, en lien avec les acteurs locaux et les Agences régionales de Santé (ARS). La décision a été annoncée par la direction générale de l’offre de soins (DGOS) le 9 mars dernier. Ce service novateur doit permettre à toute personne qui le souhaite d’accéder à distance, gratuitement, à la plateforme téléphonique du SAS afin qu’une réponse adaptée à son état de santé soit apportée : intervention d’un Smur, conseil médical, téléconsultation, consultation non programmée en ville, transport sanitaire ou intervention des secours. Depuis la promulgation de la loi du 26 avril 2021 visant à simplifier et à moderniser le système de santé, le SAS est entré dans le cadre législatif. « Le SAS assure une régulation médicale commune pour l’accès aux soins, associant a minima le service d’aide médicale urgente et une régulation de médecine ambulatoire », affirme le Dr Yann Penverne (CHU de Nantes), chargé de l’appui au déploiement du SAS des Pays de la Loire, et qui a animé une table ronde à ce sujet. À ce jour, 22 projets pilotes de SAS ont été retenus : 13 régions de métropole et des Outre-mer sont représentées. Les différents sites pilotes couvrent plus de 40 % de la population.

Un accès bien codifié

Concrètement, l’accès au SAS s’effectue via une plateforme téléphonique locale. Face à une situation d’urgence, quand le médecin traitant n’est pas disponible et qu’il n’existe pas d’autre solution avec un professionnel de santé de ville, la personne contacte le SAS. Un assistant de régulation médicale (ARM), qui est formé pour, accueille l’appel, détermine le degré d’urgence et oriente l’appelant soit vers la filière urgences, soit vers la filière médecine générale. Grâce à une évolution de l’organisation du décroché des appels et un renforcement, nécessaire, des équipes, les délais de réponse à l’urgence vitale sont améliorés. En cas d’urgence vitale, l’ARM déclenche l’intervention d’un Smur et poursuit l’instruction de l’appel, en lien avec le médecin régulateur urgentiste. Quand l’état de santé relève d’une situation d’urgence sans détresse immédiate ou de la médecine générale, l’ARM passe la main à un second opérateur qui peut être soit un ARM, soit un opérateur de soins non programmés (OSNP). Après analyse médicale de la situation, si le patient relève d’un examen par un professionnel de santé de ville, un rendez-vous lui est proposé avec un médecin (cabinet médical téléconsultation, visite à domicile, etc.) sous 48 heures maximum, via la plateforme digitale SAS. Cette dernière est un outil national qui agrège les créneaux disponibles, renseignés à partir des cabinets médicaux participants au dispositif SAS.

Le Dr Philippe Marqués, médecin généraliste libéral qui exerce en tant que régulateur au Centre 15 de Nantes, en témoigne. « Le projet pilote du SAS a été mis en place, au niveau de la Loire Atlantique, depuis un an et demi. Nous avions déjà constaté une recrudescence d’activité au niveau de la permanence des soins ambulatoire (PDSA) depuis 2020, en raison d’un report d’activité des soins non programmés de jour vers l’activité de la PDSA. Cette hausse se ressent le matin jusqu’à 10 heures, le soir à partir de 18 heures et la nuit. Il nous faut pouvoir répondre aux demandes de patients n’ayant pas pu être satisfaites dans la journée. Ce phénomène est croissant depuis le mois de juillet 2021. » Mais, depuis la mise en place du SAS, c’est aussi la journée que les appels augmentent, notamment de personnes n’ayant pas pu obtenir un rendez-vous auprès de médecins traitants libéraux n’acceptant plus de nouveaux patients. « Cela a retenti sur l’activité du Samu Centre 15 de Nantes, de telle sorte que nous sommes passés, en deux ans, d’un médecin présent en semaine dans la journée (de 8 à 19 h) à trois, et quatre à partir de 19 heures. Et cela, jusqu’à minuit. Depuis fin 2021, trois médecins sont présents la nuit au lieu de deux. Cela souligne l’importance de la régulation des appels et des demandes de la population pour éviter l’encombrement des services d’urgence », considère le généraliste.

La participation de tous nécessaire au succès du dispositif

Le SAS constitue une évolution majeure du Samu centre 15. « Ce qui change par rapport au Samu, c’est que le SAS propose, outre une régulation de médecine d’urgence, une régulation de médecine générale 24 heures sur 24 et l’intégration d’expertises sanitaires complémentaires », assure le Dr Penverne. Ainsi, l’appelant a non seulement l’assurance de pouvoir être mis en relation avec un urgentiste, mais aussi, si besoin, avec un généraliste, quel que soit l’horaire de son appel.

« Néanmoins, le SAS ne doit pas devenir un service vers qui se tourner quand on n’arrive pas à avoir son médecin au téléphone, souligne le Dr Marqués. Nous devons surtout répondre à la population qui ne bénéficie pas de médecin traitant. Le SAS est tributaire de médecins libéraux qui acceptent de fournir des créneaux disponibles dans leur agenda. Nous leur demandons de bloquer deux heures de disponibilité par semaine pour des rendez-vous émanant du SAS. Or, cette disponibilité est très mal rémunérée [3 euros de plus qu’une consultation classique, sous certaines conditions]. Il s’agit là d’un problème auquel il faudra s’attaquer à l’avenir pour favoriser l’implication des médecins libéraux dans la gestion des soins non programmés et la PDSA. »

Vers une prise en charge transversale

L’autre défi que devront relever les SAS : apporter une réponse réellement transversale, c’est-à-dire, de permettre à l’appelant d’accéder par téléphone à différents types de professionnels en fonction de sa problématique : spécialiste en santé mentale, en gériatrie. « À côté des médecins libéraux, il reste à organiser une orientation dès la régulation vers avec les autres professionnels de santé de la ville (pharmaciens, masseurs kinésithérapeutes, dentistes, infirmiers…) pour une réponse transversale. L’objectif étant de proposer au patient un parcours de soins adapté et lutter contre le passage évitable ou inapproprié par les services d’urgences », note le Dr Penverne.

 

Aujourd’hui, le Samu est porté uniquement par l’hôpital. Les SAS ont l’avantage de bénéficier d’une gouvernance paritaire : à 50 % par les établissements de santé et à 50 % par la médecine libérale. Ce qui permet un certain équilibre entre la ville et l’hôpital. « Par ailleurs, les SAS réaffirment le rôle du médecin traitant et doivent assurer un parcours de soins raisonné », précise le Dr Penverne.

À terme, d’ici à la fin 2023, chaque département français devrait disposer d’un SAS. Certains pourront néanmoins être déployés sur plusieurs départements. À ce jour, aucune communication n’a encore été effectuée pour présenter ce service au grand public. Le numéro national d’accès reste le 15. Les Français doivent donc toujours appeler ce numéro en cas d’urgence vitale et le numéro en service dans leur département pour les autres demandes de soins.

 

Exergue : « Nous devons surtout répondre à la population qui ne bénéficie pas de médecin traitant »

Entretiens avec le Dr Yann Penverne (CHU de Nantes) et le Dr Philippe Marqués, médecin généraliste libéral et régulateur au Centre 15 de Nantes

Hélia Hakimi-Prévot

Source : Le Quotidien du médecin