Marseille, 13 au 13 mars 2014. Ordinaire ou normale ? En choisissant de faire des « réalités et problèmes de la sexualité ordinaire » le thème central de la manifestation, les 7èmes assises françaises de sexologie et de santé sexuelle, se sont attaquées à un aspect sociologique de la question sexuelle, dans une société en mutation depuis les années soixante-dix, puisque c’est la place de chaque sexe par rapport à l’autre (et la spécialisation des femmes dans la reproduction), qui détermine les normes sociales sexuelles, et par là la sexualité ordinaire.
Quand les femmes des années 1970 ont pris la parole, elles ont parlé de la liberté de leur corps, de la liberté de leur sexualité, de leur liberté tout court. Et pour exprimer cette liberté, elles ont dû se détacher d’une maternité qui leur était attribuée comme le but de leur vie et qui en même temps était attachée à leur nature. Dans notre société judéochrétienne, les femmes s’interdisaient de penser à leur sexualité en termes de plaisir ; la sexualité était liée pour elles à la reproduction, à la famille et à la non-luxure. Avec le féminisme, d’autres comportements sont apparus « mais aujourd’hui, souligne le Dr Mireille Bonierbale (Marseille), tout a été tellement été dédramatisé, banalisé qu’on ne sait plus quels sont les modèles ». Des stéréotypes se créent. Le possible devient obligatoire. Savent-elles, les femmes d’aujourd’hui, tout le chemin que leurs aînées ont parcouru ? Faire l’amour quand on veut, c’est se souvenir que la pilule n’a été autorisée en France qu’en 1967. Reste que la contraception demeure, dans la majorité des cas, une affaire de femmes…
Les femmes de pouvoir sont les plus autonomes
Et nous voilà en 2014. On assiste à une sorte de banalisation de la femme forte, qui assume le fait d’avoir moins d’enfants, des familles plus tardives et moins stables, davantage de temps libre et d’autonomie. On parle de l’égalité des femmes et des hommes. Mais jusqu’où va-t-elle cette égalité ? « Dans un premier temps, elle a été le droit à disposer de son corps, mais en réalité ce sont les femmes puissantes qui ont acquis leur autonomie, insiste le Dr Bonierbale. Or, ces femmes fonctionnent selon le modèle du dominant et leur autonomie a été acquise en se servant d’autres femmes pour les mettre à leur service (garde d’enfants, services à domicile…). Il n’y a pas égalité avec les hommes mais égalité des femmes puissantes entre elles ».
Le fait de revendiquer le droit à la différence peut-il constituer un alibi pour les adeptes de la non-parité ? « Ne jouons pas avec les mots, répond le Dr Bonierbale, ce n’est pas parce que chaque parti politique sera constitué de 50 % d’hommes et de femmes, que les femmes auront une vie plus harmonieuse. C’est une ineptie. Les femmes sont façonnées par leur milieu, leur culture, elles n’ont pas forcément le même fonctionnement que les hommes : nous fonctionnons toujours sur le modèle patriarcal. La prostitution, continue le Dr Bonierbale, en est un bon indicateur. Qui est le bénéficiaire de sa libéralisation ? Et quand on parle de la prostitution choisie, de qui se moque-t-on ? ».
Modèle patriarcal
Dans sa sexualité, la femme s’est trouvée en quelque sorte piégée par des modèles masculins qui lui font rechercher l’orgasme comme preuve identitaire, elles sacrifient à la modernité plus osée des modèles pornographiques. Les violences sexuelles sont en augmentation mais peut-être s’agit-il d’une augmentation déclarative avec une modification du seuil social de tolérance. Quoi qu’il en soit, les femmes se retirent toujours plus rapidement de la vie sexuelle (en général dès 50 ans, au moment où elles sortent de leur phase reproductive, alors que chez les hommes, cela reste en corrélation avec l’arrêt de leur vie professionnelle).
L’éthique du care a le bénéfice de faire évoluer les rapports hommes-femmes en mettant en valeur l’aspect, attribué aux femmes, du souci des autres et de la famille ; elle a permis de mieux réfléchir aux frontières entre les relations personnelles (affectives) et les relations publiques impersonnelles. « Cela a indéniablement mis en place un changement de l’écoute réciproque dans les couples, ce qui favorise une sexualité plus complice et indirectement plus d’ouverture aux thérapies de couples et aux sexothérapies ».
Communication du Dr Mireille Bonierbale, psychiatre-sexologue, Marseille.
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