Si les couples heureux n’attribuent que 15 à 20 % de leur bonheur à une sexualité épanouie, les couples malheureux attribuent 50 à 70 % de leur détresse à des difficultés sexuelles. Or, plus du quart des jeunes femmes de moins de 35 ans (25 à 32 % selon les enquêtes épidémiologiques) et 12 à 14 % des hommes de moins de 35 ans manquent d’intérêt pour la sexualité. Dans la tranche d’âge 18-35 ans, on constate que les hommes les plus jeunes (18-20 ans) évitent plus volontiers les rapports sexuels que leurs aînés. Une étude publié en mars 2014 est intéressante dans ce domaine ; elle montre que 25 % des jeunes canadiens âgés de 16 à 21 ans présentent un manque d’intérêt pour la sexualité (1). Enfin, des résultats préliminaires d’une étude sur de jeunes hommes (moyenne d’âge : 18,1 ans) montrent que s’ils sont soumis à une imprégnation subliminale d’images à connotation sexuelle et d’images neutres, ils manifestent une tendance inconsciente à inhiber toute idée de domination dans le contexte sexuel, ce qui n’est pas le cas dans le contexte neutre (2).
Et Internet dans tout ça ? Comment dans ce contexte interpréter le poids qu’Internet représente dans la vie des jeunes ? La fréquentation des sites de rencontres augmente en effet significativement depuis 2006 chez les jeunes de 15 à 24 ans ; elle concerne aujourd’hui un jeune sur deux âgé de 20 à 24 ans. Dans le même temps, on assiste à une augmentation significative des expériences sexuelles avec des personnes rencontrées sur internet (un jeune sur quatre, et cela vaut autant pour les hommes que pour les femmes). En outre, 53 % des jeunes ont déjà visionné un film ou une vidéo pornographique sur internet et 70 % se déclarent prêts à le faire (3).
Chez les femmes, le poids de la vie quotidienne, le nombre d’enfants, le cumul des tâches, le stress professionnel sont autant d’éléments qui peuvent peser sur le désir. Si certains peuvent prétendre que les changements des comportements sexuels chez les jeunes hommes sont la conséquence de l’avènement du féminisme et des normes sociétales égalitaires (2), il n’en reste pas moins que les hommes restent majoritairement initiateurs et meneurs des rapports sexuels, surtout au début de la rencontre (4), les femmes étant plus volontiers initiatrices lorsque la relation est engagée.
Faut-il conclure que la sexualité est aujourd’hui surinvestie, que si elle est considérée comme un élément essentiel de la stabilité d’un couple, le moindre intérêt déclaré des jeunes à son égard relèverait d’un processus d’évitement anxieux, dans une société où les modèles imposés par les médias sont envahissants car liés à la performance sexuelle, les autres items (amour, sécurité affective, satisfaction familiale et intellectuelle) n’intervenant qu’en arrière plan ?
Communication du Dr Madeleine Gérardin, médecin sexologue, Nîmes.
(1) O’Sullivan et al. Prevalence and Characteristics of Sexual Functioning among Sexually Experienced Middle to Late Adolescents. J Sex Med. 2014 Mar ;11(3):630-41.
(2) Kiefer et Sanchez, 2007.
(3) IFOP, résultats publiés en 2013.
(4) Sanchez DT et al. Eroticizing inequality in the United States the consequences and determinants of traditional gender role adherence in intimate relationships. J Sex Res. 2012;49(2-3):168-83.
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