Lors de la campagne présidentielle, c’est François Fillon qui avait ouvert le feu sur le terrain de la santé, en proposant de réformer la Sécurité sociale, pour la cantonner au remboursement du « gros » risque et des maladies graves.
Mais le débat s’est très vite déporté de la question des comptes sociaux vers le parcours de soins : tous les candidats ont enfourché le même cheval de bataille : la lutte contre les déserts médicaux, pour l’accès de tous à la santé. La question du parcours de soins s’est ainsi hissée dans les premiers rangs du débat politique, loin devant les propositions sur les comptes sociaux et la lutte contre les déficits.
Pour repeupler les déserts, c’est à qui fera montre de la plus grande originalité : l’insoumis Jean-Luc Mélenchon veut créer un corps de médecins généralistes fonctionnaires rémunérés pendant leurs études et intervenant dans des centres de santé qui pratiquent le tiers payant ; Benoît Hamon, candidat PS, propose d’une part de déconventionner les médecins qui s’installent dans les zones déjà bien dotées, tandis que, d’autre part, les praticiens qui accepteraient de se poser dans les déserts bénéficieraient du renfort d’une mission nationale d’accès aux soins. Le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan exonérerait de charges sociales pendant cinq à dix ans les médecins qui s’installeraient en zones sous-dotées, Marine Le Pen y enverrait d’office les internes pour y effectuer leurs stages.
Numerus clausus et maisons pluridisciplinaires de santé
Deux mesures tiennent la tête au hit-parade des mesures anti-désertification : le déverrouillage du numerus clausus d’abord. La candidate frontiste compte ainsi limiter « considérablement » le recours aux médecins étrangers en France. Nicolas Dupont-Aignan veut le porter à 10 000, contre 8 100. François Fillon promet une hausse de 11 %. Les maisons pluridisciplinaires de santé (MPS) sont aussi plébiscitées. Benoît Hamon en veut 2 000 en plus. Emmanuel Macron souhaite porter leur nombre à 3 000 d’ici 2022. Jean-Luc Mélenchon, sans avancer de chiffres, y affecterait ses « fonctionnaires de la santé ». Avec l’essor des MPS, Alain Juppé et François Fillon entendent désengorger l’hôpital et les deux leaders de la droite veulent mettre la médecine libérale au centre du parcours de santé des Français.
C’est aussi la ligne proposée par Emmanuel Macron qui s’engage à favoriser la complémentarité et les partenariats entre l’hôpital et la médecine de ville, envisage d’ « ouvrir de nouvelles possibilités de contractualisation, voire des forfaits pour les publics sensibles, comme les plus jeunes ou les plus âgés, en laissant le choix au praticien de s’engager ou non. »
Place au parcours de prévention
Mais avant tout, le nouveau président entend réorienter le parcours de soins vers un parcours de prévention. « Une révolution, annonce-t-il : Il faut faire en sorte que les Français deviennent maîtres de leur santé. Nous voulons un système de santé qui nous empêche de tomber malade, plutôt qu’un système de santé qui soigne bien, tout simplement. » Il y a de la marge : en 2014, l’OCDE estimait à 2 % les dépenses de santé dédiées en France à la prévention, contre 3 % dans la moyenne européenne.
Dans son discours de politique générale, Édouard Philippe annonce que « la prévention sera le pivot de la stratégie nationale de santé. Nous créerons un service sanitaire pour les étudiants des filières de santé, pour leur permettre d’intervenir dans les écoles et les entreprises pour des actions de prévention. »
Mai prévenir ne suffit pas, prévient le Premier ministre. « Il nous faudra aussi revoir la manière dont est organisé notre système de soins (…) trop souvent entravé par les rigidités de nos structures, les carcans administratifs, le fonctionnement en silos. » Le gouvernement veut « bâtir des parcours de soins en favorisant l’interconnexion des professionnels de santé et la circulation de l’information au bénéfice du patient, en mettant en place de nouvelles incitations et de nouveaux modes de rémunération, en mesurant la qualité des soins et en la faisant connaître. »
Pratiquement, la méthode d’Agnès Buzyn se réclame de « la concertation, pour ne pas plaquer dans tous les territoires des solutions uniques », annonce la ministre de la Santé. « Le virage préventif » de la PDS, comme dit le HCSP (Haut Conseil de la santé publique) doit « associer la prévention dès l’enfance et la lutte contre la montée des inégalités sociales et territoriales ».
L'appel au peuple
Sur cette dimension territoriale du parcours de soins, le message est relayé par les parlementaires. Le rapport sénatorial Cardoux (Les Républicains)-Daudigny (PS), remis à la rentrée, prêche pour « créer l’ancrage géographique des praticiens dès la formation initiale ». C’est la condition « nécessaire pour favoriser le maintien de l’offre de soins dans les zones fragiles, avec des aides à l’installation, mesures fiscales, aides à l’investissement, bourses d’étude… » Sur fond de désertification, le parcours des soins est devenu une priorité politique et une priorité de plus en plus consensuelle. Le plan de lutte contre les déserts a été dévoilé le mois dernier. Ce mois-ci, la stratégie nationale de santé (prévention, lutte contre les inégalités territoriales d’accès à la santé, qualité des soins et innovation) va être soumise aux Français sur internet. C’est l’appel au peuple pour le parcours de soins.
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