Quel impact la désertification médicale peut-elle avoir sur les parcours de soins coordonnés ? Et quelles sont les conséquences pour les patients qui vivent dans des zones sous-dotées en praticiens ?
« L’impact est bien sûr important pour les patients, surtout ceux qui n’arrivent plus à trouver de médecin traitant », souligne le Dr Luc Duquesnel, président de l’UNOF (branche généraliste de la CSMF). Ce responsable syndical connaît bien le problème puisqu’il exerce en Mayenne, un département particulièrement touché par le problème des déserts médicaux.
Dans ce territoire, comme dans d’autres, un certain nombre de généralistes cessent chaque année leur activité sans être remplacés. Et bien souvent, les autres praticiens, situés à proximité, sont obligés de refuser ces patients qui ont perdu leur médecin traitant. « Dans certains cas, ces patients vont faire jusqu’à 20 kilomètres pour arriver à trouver un nouveau médecin traitant, indique le Dr Duquesnel. Mais parfois, c’est impossible et on voit des gens qui ne sont plus suivis alors qu’ils ont des pathologies chroniques, par exemple un diabète, une hypertension artérielle ou une insuffisance cardiaque. Faute d’avoir un médecin traitant, certains patients arrêtent leurs traitements et s’exposent à des complications qui sont alors prises en charge par la garde de médecine générale ou par les urgences hospitalières. »
Stratégies pour accéder au deuxième recours
Cette désertification touche aussi bien sûr les médecins spécialistes. Ce qui complique, pour le médecin traitant, la mise en place d’un parcours de soins coordonné efficient. « C’est le problème de l’accès au deuxième recours dans un délai satisfaisant. Dans notre territoire, nous avons parfois des délais de rendez-vous à six mois. Comment faire quand, sur un territoire de 100 000 habitants qui couvre un tiers de la population, vous n’avez plus un seul rhumatologue ? Cela, pose un gros problème pour orienter les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde mais aussi ceux qui souffrent de TMS. On est parfois contraints de les laisser durant un temps assez long en arrêt avant d’avoir un avis spécialisé », indique le Dr Duquesnel, en ajoutant que certains généralistes, confrontés à ce problème, finissent par faire des formations pour effectuer certains actes, comme des infiltrations.
Généralistes et spécialistes ont aussi parfois développé des protocoles pour « prioriser » les vraies urgences. « Cela existe par exemple pour l’accès aux dermatologues, souligne le Dr Duquesnel. Le problème n’est pas de savoir si madame untel va attendre six mois pour parler de ses problèmes de verrues au dermatologue. La priorité, c’est de ne pas faire attendre un patient chez lequel on suspecte un mélanome malin. Dans ce cas, il faut un avis spécialisé rapide. Aujourd’hui, on fait une photo de la lésion qu’on envoie par messagerie de santé sécurisée au dermato en lui demandant s’il doit ou non voir le patient rapidement. »
Cette coordination du parcours est souvent plus que chronophage que la moyenne dans un désert médical. « On passe parfois beaucoup de temps à faire le forcing pour avoir un rendez-vous rapide. Et quand cela n’est pas possible, on est parfois contraint d’hospitaliser nos patients pour avoir un avis spécialisé. C’est le cas par exemple en pédopsychiatrie, pour laquelle la situation est très problématique dans le département. Si j’estime qu’un de mes jeunes patients a besoin d’un avis spécialisé, j’ai n’ai parfois pas d’autre solution que de le faire hospitalisé. C’est une mauvaise utilisation du système de santé. Mais dans certains cas, on n’a pas le choix », indique le Dr Duquesnel.
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