Au-delà des débats passionnés sous-tendus par des convictions politiques et religieuses, l’homoparentalité pose la question de l’intérêt de l’enfant, de son développement psychoaffectif, avec comme corollaire le retentissement sur sa sexualité à l’âge adulte. Lors de ces Assises de sexologie, le Dr Patrick Leuillet a fait part des résultats de nombreuses études sur le sujet. Si celles-ci ne mettent pas en évidence de risque significativement supérieur à celui des enfants élevés par des parents hétérosexuels, elles ne sont pas encore assez nombreuses pour arrêter des conclusions fermes.
Les lois sociales de mai 2013 ont mis au premier plan les familles homoparentales. Malgré les résistances de certains, pour lesquels elles représentent une révolution inacceptable de la structure familiale, ces lois vont probablement conduire à une législation plus générale de la PMA.
Selon une enquête de l’Ifop en 2011, 3,5 % de personnes interrogées se disent homosexuelles et 3 % bisexuelles. 46 % des homosexuels vivraient en couple, contre 70 % des hétérosexuels. Une personne sur dix en couple de même sexe résiderait avec au moins un enfant.
Les travaux de recherche les plus récents sur l’homoparentalité se sont attachés au genre, au développement psychologique des enfants ainsi qu’au mécanisme d’adaptation des parents et des enfants face à la spécificité de l’homoparentalité. Le Dr Patrick Leuillet a souligné l’énorme travail d’Olivier Vecho et de Benoît Schneider en 2005, qui ont recensé plus de 300 publications spécifiques de l’homoparentalité portant sur le développement des enfants élevés en contexte homoparental et dont les résultats ne conduisent pas au constat d’une plus grande vulnérabilité des enfants.
La majorité des études portent sur les couples lesbiens
Une des premières études marquantes date de 1978 (Green), pour laquelle les auteurs ont étudié l’orientation et l’identité sexuelle chez 37 enfants âgés de 3 à 20 ans. 21 avaient été élevés par des mères lesbiennes, 9 par des transsexuelles devenues hommes et 7 par des transsexuels devenus femmes. Aucun fantasme autre qu’hétérosexuel n’a été relevé chez les enfants âgés de plus de 11 ans et atteste d’une identité de genre conforme au sexe biologique.
Plus récemment, deux études américaines (Gartrell et Bos en 2010 et Gartrelle et al. en 2011) ont porté plus spécifiquement sur des enfants nés de mères lesbiennes devenues mères par insémination. Aucune différence n’a été retrouvée sur l’orientation sexuelle des enfants de sexe masculin mais semble montrer une plus grande fréquence de la bisexualité, peut-être exploratoire et transitoire, chez les jeunes filles adolescentes.
Quant aux troubles du comportement, on ne retrouve pas de problème psychopathologique chez les enfants élevés en milieu parental lesbien, ni de troubles du développement, ni de difficultés relationnelles, les enfants se comportant comme les enfants nés de parents hétérosexuels. À noter tout de même une étude récente (Mark Regnerus, 2012), qui s’appuie sur 3 000 enfants devenus adultes éduqués au sein de huit structures familiales différentes à partir de 40 critères sociaux et émotionnels ; les résultats les plus positifs concernent les adultes provenant de familles traditionnelles alors que les plus mal lotis sont les enfants élevés par des mères lesbiennes, avec une augmentation des abus sexuels, des dépressions et de la précarité économique.
Les pères gays très impliqués
Les travaux concernant les enfants élevés par des pères gays sont beaucoup moins fréquents. Il est bon de rappeler que le fait qu’un enfant soit élevé par un père gay reste toujours dans l’inconscient collectif empreint de préjugés et de connotation négative. La soi-disant perversité des pères gays a été complètement réfutée depuis plusieurs années. L’instabilité du couple gay, souvent évoquée, n’a pas été retrouvée dans certaines études récentes, qui montrent que la durée des couples homosexuels était comparable à celle des couples hétérosexuels. Les couples engagés dans l’homoparentalité seraient même, pour certains auteurs, plus fixes dans leurs relations affectives (Jenny et al, 1994 ; Tasker, 2005). En outre, d’autres chercheurs avancent que les pères gays seraient même plus impliqués et répondraient davantage aux besoins de leur enfant que les pères hétérosexuels (Greenfeld, 2007). Les enfants de pères gays apparaissent avoir des relations sociales normales avec leurs pairs et peu de préoccupation sur l’orientation sexuelle de leurs pères (Camerons, 2009 ; Tasker, 2005). Mais Martha Maillart (2003) insiste sur la présence d’homoparents ne souffrant pas de leur marginalité, le risque dans le cas contraire étant que les enfants intègrent l’interdit de leurs parents et reproduisent l’invisibilité.
Le psychanalyste et pédopsychiatre Paul Marciano (2014) considère qu’il faut absolument différencier l’homoparentalité masculine de l’homoparentalité féminine car dans un couple de femmes, c’est souvent l’une des deux qui a porté l’enfant. Il considère qu’en cas d’adoption ou de GPA par un couple gay, il y a rupture pour l’enfant car passage d’un bain sensoriel essentiellement féminin à un autre. Cette rupture, selon lui, pourrait rendre l’enfant étranger au couple masculin sans la possibilité éventuellement de s’intégrer dans une généalogie. Il évoque également la possibilité pour cet enfant d’imaginer un ventre fécondant masculin et une confusion avec des résidus et des déchets qui pourrait lui faire courir le risque d’une altération narcissique avec perte de l’estime de soi.
Transparence, cohérence, acceptation
Une étude de Lamb (2010) met en évidence que l’adaptation de l’enfant, quel que soit le type de famille, est dominée par les mêmes facteurs : la qualité de la relation entre les parents, les ressources qu’ils apportent à l’enfant. Pour se construire en adulte, l’enfant a besoin de deux parents, de transparence, de vérité et de cohérence. Il a également besoin de l’acceptation par le reste de la famille de l’homoparentalité de ses parents.
L’homoparentalité sera de plus en plus exercée. De nombreux enfants vont être élevés dans ce type de familles. Tous les travaux actuels montrent qu’aucune conclusion ne peut réellement être aboutie. Rester vigilant sans polémiquer tout en considérant l’intérêt supérieur de l’enfant représente aujourd’hui l’attitude la plus saine.
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