Nul n’ignore que la parole sur la sexualité s’est libérée dans les années 1970. Les mœurs aussi. Dans les années 1980-1990, les ravages du sida ont impliqué des mesures de protection explicites. Il n’était alors plus question de ne pas appeler un chat, un chat. Aujourd’hui, la peur du sida s’est considérablement réduite, les relations non protégées augmentent. Et la consommation sexuelle aussi.
Les adolescents d’aujourd’hui consomment tous azimuts (consomare : achever, détruire), ils avalent, ils ingurgitent de tout sans forcément en avoir envie ni besoin et surtout sans limites.
Cette consommation, on la retrouve dans leur sexualité. Nés avec la révolution numérique, ils sont connectés en permanence, ce qui a des répercussions sur leurs comportements, en particulier sur leur vision de la sexualité. Ils ne supportent plus les effets de différé, il ne faut pas que « ça rame », il faut de l’instantanéité. Ils sont aussi polyactifs et peuvent communiquer sur leur portable en tapant sur leur ordinateur et faire participer le plus de monde possible à ce qu’ils exposent de leur vie.
Difficile de sortir de la caricature
Car ce sont des enfants de la « com’ », qui se surexposent en permanence en peaufinant leur look. Ils ne se définissent plus à travers une filiation, une origine sociale ou un lieu de naissance mais à travers ce qu’ils montrent d’eux et du groupe auquel ils appartiennent (romantique, gothique...). « Et, constate le Dr Xavier Pommereau, on assiste à un terrible paradoxe qui fait hurler certaines mères. Alors qu’elles pensent avoir élevé filles et garçons de la même façon, alors qu’elles revendiquent l’égalité citoyenne, leurs ados se radicalisent au niveau du comportement de façon extrêmement sexuée, les filles en mode sexy, le garçon en décontracté le plus cool possible ». Certes, cette radicalisation n’atteint pas tous les jeunes. « Mais, raconte X. Pommereau, quand un adolescent se présentait au centre Abadie il y a 20 ans, il y venait à reculons, encadré par ses parents. Aujourd’hui, les parents le suivent à vingt mètres, la jeune fille se présente en tenue très sexy, le portable à la main, le jeune garçon étonnamment nonchalant. Tout ceci est caricatural mais très fréquent ». Et il est difficile de sortir de la caricature.
Les adultes ont tendance à insister sur les dangers potentiels des réseaux sociaux. Si 97 % des ados sont sur Facebook, s’ils se surexposent, ils sont capables de jouer avec les apparences et à ne pas se mettre autant en danger qu’on pourrait le croire. Mais certains s’y laissent prendre. « Facebook est le triomphe de la perversion, insiste X. Pommereau. Les pièges existent. Il faut être conscient que les adolescents cherchent à rencontrer dans la vraie vie les personnes avec qui ils se lient sur internet ».
Dès que le printemps est là…
Les hormones s’expriment sans retenue. Dans une génération marquée par le rapide et l’instantanéité, la sexualité peut se passer de préliminaires, juste pour « faire plaisir à un bon pote » ou parce que « c’est un bon plan ». Si on demande à un adolescent s’il est avec quelqu’un, il faut savoir que, quel que soit son sexe, ce peut être une fille ou un garçon. Les ados d’aujourd’hui sont capables de se dire homo-, bi- aussi bien qu’hétérosexuel. On peut alors se demander comment s’exposent, se surexposent les adolescents selon leur orientation sexuelle du moment.
Si on a l’impression que, pour un certain nombre d’ados, il est possible d’avoir une sexualité sans sentiments, si on pense qu’un de leurs soucis est de collectionner les bons plans, les adolescents restent quand même de grands romantiques qui s’envoient une multitude de billets d’amour. « Il faut savoir, conclut X. Pommereau, que la première relation sexuelle et amoureuse est dite durable pour un adolescent de 14-15 ans quand elle atteint trois semaines ».
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