Pourquoi une nouvelle proposition de loi a-t-elle été soumise au Sénat, s’est interrogé de Jacques Delga, avocat à la Cour d’Appel de Paris, lors d’une session consacrée à la prostitution. Pour mémoire, le Sénat a adopté le 30 mars 2015 un texte de loi profondémment remanié, refusant ainsi de pénaliser, de quelque manière que ce soit, du client de la prostituée. Aujourd’hui, c’est donc l’ancienne législation qui s’applique : le client n’est pas pénalisé et la prostitution est libre pour lui. Si l’exercice n’est pas reconnu par le droit, le fait de se prostituer en tant que tel n’est pas illégal, bien que le délit de racolage soit maintenu, par un amendement des sénateurs.
« Pourquoi une loi qui pénaliserait le client et générerait la clandestinité pour la prostituée alors qu’on s’attendait à une reconnaissance de l’activité prostitution ? », s’interrogeait J. Delga. Enfourchant comme chaque année son cheval de bataille, J. Delga veut montrer que la prostitution n’est pas « contraire à la morale ». « Si la prostitution n’est pas reconnue par le droit c’est parce que le droit considérait jusqu’à présent que la prostitution était contraire aux bonnes mœurs », déclare-t-il. Mais que sont les bonnes mœurs ? Ce sont les magistrats qui en décident et la notion de morale en droit évolue. Ainsi, J. Delga reprend l’exemple des clubs échangistes. Les gérants de ces lieux sont depuis 1994 considérés comme des chefs d’entreprise respectables qui n’agissent pas contrairement aux bonnes mœurs telles qu’elles sont définies par le droit (morale différente de la morale individuelle judéo-chrétienne). Pourquoi encore, selon lui, l’actrice de films pornographiques n’est pas considérée comme ayant une activité immorale et est rémunérée selon des contrats alors qu’elle a des « activités sensiblement identiques à celles de prostituées ? Et que la prostituée a plus d’incidences qu’elle sur le client, l’actrice étant prisonnière du réalisateur et du producteur ». Faut-il rappeler ici que la prostituée est seule face au client et ne connaît pas le scénario avant tournage !
Prostituer : du latin prostituere (vendre, se vendre)…
Pour résumer : puisque la prostitution n’est pas contraire aux bonnes mœurs, puisqu’elle n’est pas illégale, pourquoi n’existe-t-il pas un contrat de prostitution ? « Certes, constatait Florence Letessier, chargée du développement de l’apprentissage à l’ESSEC, il n’est pas enseigné dans les écoles de commerce. Mais il devrait être complètement licite. Car si on analyse précisément les relations que la prostituée peut avoir avec son client, nous sommes juridiquement dans une relation de prestation de services ». Le contrat prévoiera-t-il une clause de rétractation, ou viendra-t-il se heurter à la législation sur le viol, qui prévoit quant à elle, le consentement à tout moment de l’acte ?
On poursuit. À une sexologue l’interrogeant sur le droit à acheter un corps, elle rétorque : « On ne l’achète pas, c’est ce que nous voulons démontrer. Quand on vend quelque chose, on se dépossède, on perd ce qu’on vend. Dans la prostitution on offre ses services ». Et le jardin intime saccagé, et les illusions envolées, c’est quoi exactement ? Des services rendus !
« Nous défendons la prostituée, reprenait J. Delga. Lutter contre le client c’est facile, il faut toucher les proxénètes, c’est là le problème. Cette proposition de loi a été inspirée par les féministes radicales américaines qui ont considéré que l’homme est le prostitueur, c’est une erreur fondamentale ».
(Notons ici que l’adjectif « radicale » apposé à « féministe » fait toujours un certain effet…)
Fin de la prestation devant un public confronté quotidiennement à l’humain et à sa fragile intimité…
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