La meilleure contraception ...

La pilule, un choix parfois contraint

Publié le 02/05/2014
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Crédit photo : Phanie

« La meilleure contraception, c’est celle que l’on choisit ». Ce slogan issu de la campagne du ministère de la Santé (lancée en 2007) a été largement diffusé en France. Son objectif : promouvoir une contraception adaptée à la situation personnelle de chaque femme et réduire le nombre d’IVG. Mais, sept ans plus tard, la question de l’adoption libre et éclairée du mode de contraception des Françaises se pose toujours. Comment peut-on expliquer les choix de contraception ? Les femmes qui prennent la pilule l’ont-elles vraiment choisie ? Autant d’interrogations auxquelles tente de répondre une étude sur le sujet codirigée par le Dr Maud Jourdain (1).

Cette étude pour laquelle vingt-quatre femmes ont été sollicitées dans un cabinet où exercent six médecins généralistes ayant une pratique de suivi de contraception, a recueilli les réponses de treize patientes (celles qui ont accepté et/ou été disponibles pour l’enquête). Onze d’entre elles vivaient en couple, les deux autres étaient célibataires, et, au total, six étaient nullipares. Globalement, leur niveau d’étude était plutôt élevé. « Nous avons mené une étude au moyen d’entretiens semi-directifs auprès de femmes ayant des profils et des âges divers. Nous avons élaboré un guide d’entretien qui cherchait à explorer les représentations autour de la contraception, les sources d’information sur ce sujet ; les parcours de contraception, les connaissances et les opinions relatives aux différents modes contraceptifs », précise le Dr Jourdain.

Des trajectoires contraceptives normées

Première grande idée de l’enquête : la contraception reste, globalement, un non-choix, du moins, en début de vie contraceptive. De fait, durant cette période (avant la maternité), la contraception est souvent synonyme de pilule. « En début de vie contraceptive, nous observons une absence de remise en question de la pilule. Très souvent, ce ne sont d’ailleurs pas les femmes qui décident de prendre une contraception orale : celle-ci étant initialement prescrite dans un usage qui n’est pas contraceptif », souligne le Dr Jourdain.

Mal et peu informées, les patientes considèrent la pilule comme un moyen de contraception pratique, même si elles avouent ne pas toujours bien la supporter. Effets indésirables engendrés par la pilule, doutes sur son innocuité et contrainte de la prise quotidienne arrivent en tête des préoccupations des sondées. Comment peut-on alors expliquer le recours important à la pilule en début de vie contraceptive ? « En France, la trajectoire contraceptive est très normée : chez les jeunes nullipares c’est d’abord le préservatif (utilisé lorsqu’il n’y a pas d’autre mode contraceptif) qui est adopté, puis la pilule. Ensuite, ce n’est qu’après un premier accouchement que les femmes essayent d’autres solutions telles que le stérilet. Par ailleurs, les médecins ne vont pas souvent pas à l’encontre de cette norme contraceptive alors même qu’ils devraient davantage prescrire un contraceptif personnalisé », note le Dr Jourdain. Rappelons que le stérilet est indiqué y compris chez les nullipares.

Former les généralistes

L’étude le confirme : toutes les patientes nullipares interrogées étaient sous pilule (sauf en cas de désir de grossesse). La question du choix du mode contraceptif ne pose sens qu’avec la maternité. Après l’accouchement, les femmes prennent, en effet, le temps de réfléchir aux avantages et inconvénients de leur contraception, elles abordent le sujet avec leurs pairs (les autres mères), mais aussi avec les sages-femmes, qui deviennent les interlocutrices privilégiées en matière d’accompagnement dans le choix de contraception. « Les sages-femmes sont, de loin, davantage citées que les médecins en tant que source d’information concernant la contraception au moment du post-partum. Globalement, quel que soit l’âge de la patiente, l’éventail des possibilités contraceptives n’est pas assez présenté par le généraliste lors des entretiens médicaux. La pilule est souvent vécue comme un choix contraint, imposé. Or les médecins – généralistes, notamment – devraient proposer toutes les possibilités de façon plus pro-active. La formation continue dans ce domaine est – plus que jamais – essentielle pour pouvoir suivre la femme tout au long de sa vie contraceptive », conclut le Dr Jourdain.

(1) Chef de clinique au département de médecine générale et médecine de famille, faculté de médecine de Nantes

Hélia Hakimi-Prévot
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Source : Le Quotidien du Médecin: 9323