Par le Dr Jean-Claude Régi*
LE 12 NOVEMBRE 2012, l’Université privée portugaise Fernando Pessoa ouvrait ses portes à La Garde, près de Toulon, pour proposer des formations payantes aux diplômes de chirurgiens-dentistes, de pharmaciens, d’orthophonistes et de diététiciens (de 4 350 euros à 9 500 euros par an).
Ce centre universitaire privé dans le domaine de la santé est une nouvelle structure pluridisciplinaire qui s’inscrit dans un contexte européen. Il propose des études supérieures en santé afin d’obtenir un diplôme qui sera délivré exclusivement par l’université Fernando Pessoa de Porto dans la discipline choisie.
Les diplômes obtenus sont valables dans toute l’Union européenne et au-delà. Dans chaque cursus, certaines formations se déroulent par e-learning (formation à distance). Les étudiants bénéficient d’une double inscription académique avec l’UFP Porto.
L’enseignement est en langue française et les diplômes accordés après validation des jurys d’examen sont des diplômes portugais valables dans l’espace européen de l’enseignement supérieur. Les formations proposées se divisent en deux départements : Sciences de la santé et Sciences humaines et sociales.
Pour l’année universitaire 2013/2014, la date limite de dépôt des dossiers est le 31 mai 2013. Une commission de spécialistes procédera à la sélection des candidats en juin 2013. La liste des candidats retenus sera connue et diffusée le 13 juillet 2013.
Voilà les informations que l’on peut trouver sur le site de cette nouvelle structure.
Cette ouverture a suscité immédiatement de vives réactions, notamment de la Confédération nationale des syndicats dentaires (CNSD) et des Ordres professionnels, relayées par le Centre national des professions de santé (CNPS).
(...) La ministre de l’Enseignement supérieur Genevieve Fioraso a déposé plainte contre l’antenne française de l’Université Fernando Pessoa qui n’a reçu aucune autorisation d’ouverture. De plus cette Université n’est pas accréditée pour dispenser des formations à l’étranger ni délivrer des diplômes correspondants. C’est ce que le ministère de l’Enseignement supérieur a fait savoir après avoir interrogé l’Agence portugaise d’évaluation et d’accréditation de l’enseignement supérieur.
Le CNPS est notamment intervenu auprès de Madame Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé, ainsi que de la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en précisant : « En plus de contourner le numerus clausus ou quotas existants dans les professions concernées, rien ne garantit la qualité d’enseignement ni celle des enseignants, de même, les contenus des formations proposées ne sont pas équivalents à ceux dispensés en France. »
Quel contrôle ?
Les jeunes gens engagés dans ces formations ne pourront exercer ni en France, ni au Portugal, ni ailleurs en Europe, et se trouveront dans une impasse après avoir déboursé des sommes exorbitantes. Si les médecins ne sont pas dans l’immédiat concernés par cette installation, on peut cependant s’interroger s’ils ne seront pas à terme la cible de cette université portugaise. Aujourd’hui, apparemment rien n’interdirait, dans le cadre de dispositions européennes, des formations délivrées par des organismes étrangers, dans la mesure où le cursus est respecté. Mais comment contrôler le niveau de formation et la qualité de l’enseignement délivré ?
On peut d’ailleurs s’interroger devant le développement des formations de médecins, en Roumanie entre autres, car elles ne sont pas destinées aux seuls besoins de ce pays, mais à pourvoir l’Europe et notamment la France en médecins, l’enseignement étant même dispensé en français.
Dans ce contexte nouveau, qu’en est-il de l’intérêt d’un numerus clausus « resserré » dont la seule efficacité serait de fermer la porte des études médicales aux enfants des familles françaises modestes ?
Le numerus clausus en France paraît lié aux possibilités de formation dans les universités et non aux besoins réels de santé publique. Car comment expliquer alors ce contingent constant depuis plus d’une dizaine d’années d’environ 10 000 médecins à diplôme extra européen, majoritairement africains, qui occupent des postes laissés vacants dans nos hôpitaux et autres structures publiques ?
Une part de ce contingent est d’ailleurs régularisée constamment pour services rendus, dans des conditions que nous souhaitons exigeantes, alors que nos étudiants sont collés avec des notes parfois supérieures à 15.
Les Italiens et les Belges n’ont pas de numerus clausus et ne rencontrent pas ces problèmes, et les Anglais ont un système de recertification sévère. Faut-il nous préparer, dans ce contexte de dispositions européennes imposées, à considérer ces nouvelles structures de formations, qui contournent un numerus clausus maintenant obsolète, comme complémentaires.
Dans cette éventualité il nous faut alors insister sur une condition incontournable, à savoir que la qualité et la fiabilité de la formation initiale des libéraux de santé conditionnent la qualité et la sécurité des soins.
La polémique n’est pas prête de s’éteindre.
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