Bien que les résultats ne concordent pas tous, les études épidémiologiques sur l’impact de la pollution semblent indiquer une plus grande fragilité des femmes. Différents facteurs pourraient intervenir, à la fois liés au genre (i.e. à la répartition des tâches dans la société) et au sexe, avec des particularités biologiques.
L'introduction de la notion de genre (organisation sociale des sexes) est essentielle, dans la mesure où elle rend compte de l'exposition plus importante des femmes à la biomasse et à la pollution domestique – et pas seulement dans les pays émergents – ou de leur plus grande exposition à certains polluants professionnels ou environnementaux (désinfectants ménagers, industrie textile, cosmétique… etc.).
Il existe très vraisemblablement aussi une fragilité intrinsèque liée au sexe, même si la plupart des études ne sont pas conçues pour comparer la pollution chez les hommes et chez les femmes et confondent souvent le sexe et le genre.
Une revue de la littérature épidémiologique (1) met en évidence des effets des aérocontaminants (en particulier particules fines et dioxyde d'azote) plus importants chez la femme que chez l'homme avec, à exposition identique, une atteinte plus marquée du VEMS, un risque supérieur d'hospitalisation pour cause respiratoire, de mortalité respiratoire et de toute cause. L'hétérogénéité des études n'a cependant pas permis de mettre en évidence un risque relatif. Chez les adultes, ces effets sont plus importants chez les femmes, surtout les plus âgées. En revanche, dans la petite enfance, les garçons seraient plus touchés, alors que dans la deuxième partie de l'enfance, les filles deviendraient plus sensibles aux polluants.
Si on met de côté les différences d'exposition femmes/hommes liées aux divers polluants, il faut lancer des investigations sur le plan physiologique, jusqu'ici peu étudié. Il existe des différences entre les sexes au niveau de l'absorption, du transport, du métabolisme, du stockage des divers contaminants, avec un volume de distribution pulmonaire et liquidien plus faible chez les femmes, mais plus important au niveau du tissu adipeux. Il a été aussi été montré, au moins en ce qui concerne le cadmium, que l'élimination rénale était plus rapide chez l'homme. Les femmes auraient aussi une sensibilité plus marquée à l'inflammation systémique et aux radicaux libres.
La prédisposition génétique est encore mal connue ; chez la souris, des disparités dans la réponse inflammatoire et immunitaire ont été relevées entre les femelles et les mâles.
On s'interroge bien sûr sur le rôle que pourrait avoir le statut hormonal de la femme, qui interagit avec le système immunitaire et inflammatoire, avec des variations très importantes selon les périodes de la vie. Le rôle des œstrogènes semble assez complexe, avec à la fois un effet protecteur sur certains organes (expliquant la plus grande vulnérabilité à la ménopause) mais aussi un effet favorisant.
« Alors que l'exposition environnementale des femmes augmente ces dernières années, il serait intéressant d'orienter ces études épidémiologiques chez elles, et selon le moment de leur vie, afin de comprendre à quel moment se montrer plus vigilant, en particulier dans certaines professions », conclut la Dr Lucie Sesé (hôpital Avicenne, Bobigny).
Entretien avec la Dr Lucile Sesé, équipe « Épidémiologie des maladies allergiques et respiratoires », hôpital Avicenne (Bobigny).
(1) Jane Ellen Clougherty. A Growing Role for Gender Analysis in Air Pollution Epidemiology. Environmental health perspectives, 2010, DOI:10.1289/ehp.0900994
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