Loi de santé : « mal-aimés », les spécialistes libéraux dénoncent une mascarade de concertation

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Publié le 23/03/2015

Crédit photo : S TOUBON

Chargé par Marisol Touraine d’une mission sur la place de la médecine spécialisée libérale dans l’organisation des soins de proximité, le Dr Yves Decalf (CSMF), cardiologue, a remis la semaine dernière son rapport définitif (qui était censé inspirer des aménagements au projet de loi de santé).

Las, cette contribution sur la médecine spécialisée libérale n’a eu strictement aucun écho à ce stade, d’où le constat amer de la branche spécialiste de la CSMF (UMESPE). Non seulement le rapport Decalf n’a pas été commenté ou même simplement mentionné mais le gouvernement « au travers des amendements qu’il a portés [en commission des affaires sociales] reste sur des schémas pensés par la technostructure d’État : le médecin généraliste porte d’entrée et régulateur du parcours du patient et l’hôpital offreur de soins et seul lieu d’expertise des prises en charge de la maladie ».

Pour l’UMESPE, la concertation se résume donc à « une mascarade et une manipulation des acteurs libéraux » et Marisol Touraine veut en réalité « écarter la médecine spécialisée du soin de proximité ».

Soif de reconnaissance

Le rapport Decalf, dont « le Quotidien » a eu connaissance, souligne précisément que la médecine spécialisée de ville (50 disciplines) est aujourd’hui trop peu considérée par les pouvoirs publics, négligée dans les textes, y compris dans le projet de loi Touraine. Or, « elle a besoin de reconnaissance et de moyens pour poursuivre son excellence », insiste le rapport qui milite pour une visibilité accrue des spécialistes de proximité dans la loi Touraine.

Comment ? Le document plaide pour la création d’un article additionnel spécifique détaillant les missions de cette médecine spécialisée libérale (analyse diagnostique approfondie, présence pour compléter un parcours de soins, prévention et éducation des patients...), précisant aussi son apport dans les grands plans de santé publique comme le plan Cancer III (avec déclinaison conventionnelle) mais surtout explicitant le rôle des spécialistes dans chaque recours (parcours de soins coordonnés, plans de soins, équipe de soins).

Réévaluer le point de travail médical

La nomenclature fait l’objet d’une attention particulière. La mission Decalf appelle à une révision complète de ce travail, jugeant que la fameuse classification commune des actes médicaux (CCAM technique) est « en panne depuis plusieurs années » avec notamment le blocage de la valeur du point de travail médical à 0,44 euro, la non prise en compte des évolutions du coût de la pratique ou la longueur de certaines procédures (inscription de nouveaux actes par exemple). Le rapport propose au passage d’inscrire de nouveaux actes de télémédecine, qui « bien qu’inscrits dans une précédente loi devraient être hiérarchisés, et entrer dans la classification ». Côté consultations, un comité de pilotage permettrait de construire une nouvelle classification clinique des actes, « moderne et compréhensible ».

La mission se prononce enfin pour une permanence des soins sanctuarisée sur la base du volontariat individuel et la suppression des opérations de testing (contre les refus de soins). Sans surprise, le rapport veut réaffirmer dans la loi les principes de la liberté d’installation et de la non-opposabilité des schémas régionaux de santé. Il regrette par ailleurs « l’intervention constante » de l’État dans les négociations conventionnelles.

Henri de Saint Roman

Source : lequotidiendumedecin.fr
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