Conduite automobile

Alcool et excès en tous genres

Publié le 25/11/2013
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Crédit photo : AFP

CHAQUE JOUR sur les routes françaises, environ 53 000 conducteurs circulent sous l’influence de l’alcool dont la moitié avec un taux d’alcoolémie illégal. En 2012, 31,6 % des 3 842 décès routiers concernait des accidents de la circulation où l’un au moins des conducteurs présentait un taux d’alcool supérieur au taux légal. « Si l’on regarde les conducteurs impliqués dans un accident mortel qui présentent un taux positif à l’alcool (au-delà de 0,5 g/l de sang) le pourcentage est de 20 % pour l’ensemble des hommes et de 7 % pour l’ensemble des femmes », souligne le Dr Bernard Laumon, médecin épidémiologiste et directeur du département « transport, santé et sécurité » à l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (IFSTTAR). En 2001, il mène le projet « SAM » (pour « stupéfiants et accidents mortels de la circulation routière ») financé par le ministère de la Santé, coordonné par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) et dont les résultats définitifs sont publiés en avril 2011. Réalisée à partir d’une base de données de 10 748 conducteurs impliqués dans un accident mortel en France entre octobre 2001 et septembre 2003, cette enquête met en corrélation « la surreprésentation des hommes dans les accidents mortels et leur plus grande propension à consommer tant de l’alcool que des stupéfiants et ce à tous les âges ». D’après le baromètre santé 2010 de l’INPES, l’usage régulier de boissons alcoolisées concerne en effet 29,5 % des hommes de 18 à 75 ans contre 10,6 %, femmes alors que les ivresses restent très largement masculines (12,9 % vs 3,3 %), tout comme les consommations à risque (au sens du test Audit-C) qui touchent 3,2 millions d’hommes contre 0,6 million de femmes.

Similitudes de genre.

S’agissant des hommes et femmes de l’enquête « SAM » impliqués dans des accidents mortels de la route, les contextes et modes de consommation ne varient finalement qu’à la marge. Ainsi, il apparaît peu de « différences significatives » entre les deux sexes à propos des lieux et circonstances d’alcoolisation avant l’accident, si ce n’est que les hommes consomment davantage dans les bars/cafés (30 % vs 14 %) et que les femmes s’alcoolisent plus que les hommes durant les repas festifs (22 % vs 10 %). Au niveau des types d’alcool consommés, hormis la bière essentiellement d’usage masculin (47 % vs 14 %), les différences pour d’autres types de produits comme le vin ou l’alcool fort s’avèrent moins liées au sexe qu’à l’âge. Quant aux périodes de consommation d’alcool, la seule divergence notable se situe au niveau de l’après-midi, « période au cours de laquelle les hommes consomment plus volontiers de l’alcool que les femmes. » (25 % vs 10 %).

Ivresses invisibles.

Si chez les jeunes, les ivresses sont en forte hausse (avec 38 % des jeunes ivres au moins une fois dans l’année en 2010 contre 29 % en 2005 d’après le dernier baromètre Santé de l’INPES), ce « phénomène sociétal » ne se traduit pas pour l’instant dans l’accidentalité routière, indique le Dr Bernard Laumon qui coordonnera en 2014 le second volet de l’enquête « SAM ». « Il se trouve que l’implication des jeunes conducteurs a notablement baissé au cours de ces dernières années », ajoute-t-il, évoquant les effets possibles des campagnes de sensibilisation et d’une mesure dissuasive comme la mise en place du permis probatoire. L’enquête « SAM » s’est par ailleurs penchée sur les cas d’alcoolémie faible (inférieure au seuil légal de 0,5 g/l de sang) qui concernaient 4,9 % des 10 748 conducteurs impliqués dans un accident mortel entre 2001 et 2003. Selon l’étude, si « près d’un conducteur sur dix circulerait sous l’emprise d’une alcoolémie légale », rien ne permet de conclure à un éventuel surrisque lié à ces faibles taux d’alcool. Bien que « la littérature internationale ne trouve pas d’effet accidentologique pour des alcoolémies inférieures à 0,4 g, à partir de 0,4 g, il y en a peut-être un », indique le Dr Laumon. Mais si un risque de conduire avec moins de 0,5 g est un jour réellement démontré, ce dernier restera « incontestablement » plus faible que le risque de téléphoner par exemple avec un kit mains libres, conclut l’épidémiologiste. « Ces faibles taux peuvent néanmoins causer des problèmes par le biais notamment de mélanges avec d’autres substances psycho-actives », poursuit le Dr Laumon. En particulier, le cannabis, majoritairement consommé par les hommes impliqués dans un accident mortel de la circulation (7,8 % vs 2,5 %) et qui concerne près de 9 conducteurs sur 10 détectés positifs aux stupéfiants.

 SAMUEL SPADONE

Source : Le Quotidien du Médecin: 9283