PAS QUESTION de parler d’andropause. Le terme controversé est bien trop calqué sur l’exemple féminin. Aussi est-il plus juste de parler de Déficit androgénique lié à l’âge, dit DALA. Une appellation plus prudente, largement privilégiée par les urologues, qui se distingue du climatère par sa sémantique univoque. De quoi décourager toute tentative de rapprochement avec la ménopause. Et pourtant, grande est la tentation. L’ostensible ressemblance des symptômes y est pour quelque chose. Vitalité en berne, baisse de libido, ostéoporose, bouffées de chaleur... il s’agit bien du DALA.
Symptomatologie aspécifique.
Ce syndrome clinique et biologique se caractérise par l’apparition d’une symptomatologie non spécifique et d’un faible taux de testostérone (confirmé sur deux prélèvements consécutifs). Si l’appellation évoque implicitement le lien direct entre syndrome clinique et déficit hormonal, l’avancée des recherches s’en détourne insidieusement : « Il n’y a pas de lien étroit entre clinique et baisse de testostérone, sauf lorsque celle-ci est très affirmée », nuance le Dr Jean-Claude Soufir, chargé de la consultation d’andrologie de l’institut Arthur Vernes à Paris. Parmi les symptômes censés suggérer un DALA, on retrouve pêle-mêle la baisse de force musculaire, la fragilité osseuse, la fatigue, et les manifestations dépressives. Sans oublier « la baisse de libido et la dysfonction érectile ». En effet, « les problèmes de santé sexuelle » sont les principaux motifs de consultation auprès du Dr Soufir. Mais si la dysfonction érectile chez les hommes âgés est corrélée au déficit androgénique (1), l’évidence du lien est moindre pour les autres symptômes. Considéré comme « aspécifique », le syndrome clinique ne trouve son sens qu’en référence au dosage de la testostérone. Mais pas seulement. Doivent également être pris en compte d’autres facteurs « comme le stress ou l’obésité », prévient l’andrologue.
Hormones et cetera.
Le diagnostic de DALA est loin d’être simple. Une récente revue de la littérature montre que certains hommes souffrent du syndrome avec un taux de testostérone normal alors que d’autres demeurent asymptomatiques malgré un déficit androgénique. Cette forte inadéquation clinico-biologique serait le fait d’un polymorphisme génétique agissant sur la sensibilité des récepteurs androgéniques. Certains polymorphismes seraient même associés à « des manifestations de dépression chez les hommes de plus de 50 ans », précise le Dr Jean-Claude Soufir. Et d’ajouter : « Ces données sont préliminaires et méritent des travaux supplémentaires. » Ainsi, entre symptomatologie du DALA et déficit androgénique, il y a un monde. Toutes ces inconnues justifient en partie la prudence de certains urologues... à faire un parallèle avec la ménopause.
Et pourtant, même les hormones féminines semblent avoir leur mot à dire. Selon une récente étude américaine (2), le déficit en œstrogènes pourrait avoir sa part de responsabilité dans le DALA. Il participerait notamment à la baisse de libido, au même titre que la baisse du taux de testostérone. Un résultat surprenant qui présage des changements en matière de traitement. Faut-il ou non prescrire de la testostérone ? Une question à la controverse bien tendue, qui réveille le vieux débat du THS (Traitement Hormonal Substitutif) dans la ménopause. Car à l’instar de la ménopause, le DALA favorise l’apparition de complications cardio-vasculaires, justifiant ainsi la question de la substitution. Finkelstein et coll. le suggèrent : « Il est nécessaire d’évaluer les effets de la substitution en testostérone sur la prostate, à la fois le cancer et l’hypertrophie bénigne, et sur la santé cardio-vasculaire. »
Consultations d’andro.
Si nombre d’éléments scientifiques alimentent continuellement le débat sur l’andropause, une différence majeure ne peut être niée. La décroissance androgénique, qui démarre à l’âge de 30 ans, est lente et progressive. Tandis que le taux d’œstrogènes s’effondre chez toutes les femmes au-delà de la cinquantaine. Selon Seisena et ses collègues, 20 % des hommes de plus de 60 ans, et plus de la moitié des plus de 80 ans seraient concernés par le DALA. Des taux élevés qui amènent le Dr Jean-Claude Soufir à regretter le manque de consultations d’andrologie : « les pathologies de l’appareil génital masculin sont symétriques de celles qui sont observées chez la femme ». L’andrologue espère-t-il voir se développer des prises en charges masculines analogues aux consultations gynécologiques ? Sa réponse est oui. De la contraception masculine à la prise en charge du DALA, en passant par les troubles de la fécondité, les hommes ne méritent pas moins d’attention médicale que leur compagne.
(1) T. Seisena et coll. Critères cliniques et biologiques pertinents?pour poser un diagnostic de déficit androgénique lié à l’âge (DALA), Progrès en urologie (2012) 22, S21-S26
(2) Joel S. Finkelstein et coll. Gonadal Steroids and Body Composition, Strength, and Sexual Function in Men, N Engl J Med 2013; 369:1011-1022, September 12, 2013
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