DERMATOLOGUE et vénérologue à l’Hôpital Cochin, Paris, le Pr Nicolas Dupin, invite « à diagnostiquer ce qui est symptomatique et à dépister ce qui est asymptomatique ». Il insiste sur la notion de terrain et d’association de fréquence entre les IST : « Elles sont liées par le risque. Si l’on excepte le VIH, l’hépatite B et l’hépatite C, il faut garder en tête le trio d’IST les plus fréquentes et volontiers associées. Chez l’hétérosexuel : chlamydiae, herpès et condylomes (HPV) ; Chez l’homosexuel ou l’HSH (Homme ayant du Sexe avec l’Homme) : gonocoque, Nicolas-Fabre et syphilis ». Selon les pratiques sexuelles, « la découverte d’une IST symptomatique doit orienter vers le dépistage ciblé d’une IST asymptomatique associée. Ainsi, on recherchera par exemple chlamydia (par PCR sur le premier jet urinaire) devant un condylome ou un herpès génital chez un hétérosexuel de moins de 35 ans multipartenaire (› 3 par an) ayant des rapports non protégés, non pas systématiquement, mais au moins une fois dans sa vie ».
Sur les 12 000 consultations par an du service de dermatologie-vénérologie de l’hôpital Cochin, majoritairement des hommes par biais de recrutement (les femmes consultent en gynécologie), 2/3 des infections sont symptomatiques, 1/3 asymptomatiques. Ces IST symptomatiques alertent facilement l’homme pour des raisons anatomiques : urétrites avec ou sans écoulement, ulcérations génitales, condylomes, chancres, dépigmentations… L’approche clinique est syndromique.
Chlamydia, condylomes et herpès chez l’hétérosexuel.
Les infections à Chlamydiae sont volontiers asymptomatiques. Dans environ 30 à 40 % des cas, elles provoquent des écoulements plutôt séreux, mais dans 50 % des cas, ces infections de l’urètre passent inaperçues. Les possibles complications (prostatites, épididymites) mais aussi la possibilité d’infection de la femme et ses conséquences (hypofertilité...), imposent de rechercher l’infection par PCR sur l’étude du 1er jet urinaire, au moins deux heures après la dernière miction, dans des populations masculines à risque. Le diagnostic de condylome pénien facile devant une lésion visible typique - verrue localisée au sillon balano-préputial - peut s’avérer plus compliqué. Lésions et localisations peuvent être atypiques : excroissance translucide, tâche pâle dépigmentée, grain de beauté, localisation périnéale, péri-anale, ou du fourreau, lésions multiples par auto-inoculation… Le traitement repose sur la cryothérapie par azote liquide si les lésions sont peu nombreuses et l’application d’imiquimod crème en cas de lésions multiples. Des récurrences surviennent dans 10 à 20 % des cas. Quant à l’herpès génital, il n’existe ni traitement miracle, ni vaccin. Il convient de recommander l’abstention de rapports non protégés à la moindre sensation de brûlure en cas d’antécédent de poussées d’herpès génital.
Gonocoque, Nicolas-Favre et syphilis chez l’HSH.
Si l’urétrite gonococcique est symptomatique chez l’homme (écoulement purulent urétral mis en culture pour recherche du gonocoque et antibiogramme), la gonococcie est volontiers asymptomatique et difficile à mettre en évidence dans les localisations anales et de la gorge : les cultures peuvent être mises en défaut (cultures négatives alors que le PCR est positif…). Pourtant 15 % des urétrites gonococciques s’accompagnent de localisations anales ou de la gorge, asymptomatiques dans 80 % des cas (ni amygdalite, ni ganglions, ni gène…), à l’origine de recontaminations. « Des études cliniques permettant de cibler les populations à risque à qui proposer un test PCR sur le 1er jet urinaire seraient utiles mais manquent cruellement », souligne le Pr Nicolas Dupin. Dans 60 % des cas l’infection à gonocoque touche l’homme HSH et s’associe dans 15 % des cas à une infection VIH.
La résistance antibiotique est le problème numéro 1 avec le gonocoque. Après la pénicilline (années 1960), les tétracyclines (années 1980), les quinolones (années 2000), l’alternative actuelle des céphalosporines de 3e génération risque de faire long feu : les résistances per os ont imposé la voie IM, mais des résistances à la ceftriaxone 500 mg IM apparaissent… sans compter dans les localisations orales et anales, un traitement compliqué par une mauvaise diffusion tissulaire des antibiotiques.
La Maladie de Nicolas-favre encore appelée lymphogranulomatose vénérienne (LGV) ou anorectite à Clamydia trachomatis de type L1, L2, L2a et L3 a émergé dans les années 2003. Elle s’observe dans 100 % des cas chez des hommes HSH et s’associe dans 80 % des cas à une infection VIH. La phase primaire d’ulcération génitale indolore passe volontiers inaperçue. Secondairement apparaissent des adénopathies inguinales pouvant évoluer vers la fistulisation. Elle peut également donner « un tableau digestif avec diarrhées et rectite pouvant faire évoquer à tort une rectocolite hémorragique à l’origine de retards diagnostics », souligne le Pr Nicolas Dupin.
La syphilis, en recrudescence depuis les années 2000, touche dans 80 % des cas l’HSH et s’associe dans 50 % des cas au VIH. Or le traitement de référence de la syphilis précoce de stade I, II et latente précoce (asymptomatique depuis moins d’un an), l’extencilline, est en rupture de stock. Le Pr Nicolas Dupin est « extrêmement préoccupé par cette rupture de stock : c’est le seul traitement administrable chez la femme enceinte, l’immunodéprimé, le VIH. Chez eux, il n’y a pas d’alternative thérapeutique validée »…
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