Grippe chez le sujet âgé

Une personne fragile, à protéger

Publié le 12/11/2015

Alors que la campagne de vaccination contre la grippe débute pour l’hiver 2015-2016, l’heure est au bilan. L’INPES a publié les chiffres clés de l’épidémie de grippe 2014-2015 : « Plus de 3 000 hospitalisations signalées par les services d’urgences ; 1 597 cas graves de grippe admis en réanimation (48 % chez des sujets de 65 ans et plus, 84 % avaient un facteur de risque, plus de 50 % n’étaient pas vaccinés) ; 2,9 millions de consultations pour syndromes grippaux en médecine générale ; Excès de 18 300 décès de toutes causes, concernant à 90 % les sujets âgés (65 ans et plus) ; Coût de l’épidémie : 180 millions d’euros. »

Derrière ces chiffres, une situation constatée par de nombreux médecins. « La grippe de 2015 était particulièrement virulente. De nombreuses personnes de 80-85 ans jusqu’alors parfaitement autonomes arrivaient aux urgences dans des tableaux de détresse respiratoire majeure. Pendant plusieurs semaines, la cellule de crise s’est réunie tous les jours à la recherche de lits pour hospitaliser et isoler ces patients », se souvient le Dr Alliel.

Le virus H3N2 qui a circulé de mi-janvier à mi-mars 2015 avait muté en cours de saison, d’où la faible efficacité du vaccin. Or les souches H3N2 ont un potentiel de gravité et de mortalité élevé, en particulier chez les sujets âgés. « La surmortalité importante de la grippe cette année s’explique par la conjonction d’une souche variante du virus A (H3N2) non couverte par la vaccination et par une couverture vaccinale faible qui n’a cessé de diminuer depuis 2009. En 2015, moins d’une personne à risque sur 2 était vaccinée », explique le Dr Trivalle. La campagne de 2009 a fait reculer la couverture vaccinale des plus de 65 ans (75 % avant 2009, moins de 50 % aujourd’hui).

Moins de complications chez le sujet âgé vacciné

Une des difficultés avec le vaccin contre la grippe est qu’il n’est pas parfait en terme d’efficacité et de durée d’immunité.

- Le vaccin réduit le risque de contracter la grippe de 70-80 % chez le sujet jeune, mais seulement de 50 % chez le sujet âgé. Est-ce une raison pour ne pas vacciner les âgés ? « Certes le vaccin est moins efficace chez la personne âgée. Cependant, si elle contracte la grippe alors qu’elle est vaccinée, le risque de complication (hospitalisation, complication pulmonaire ou cardiaque, mortalité par infarctus, mortalité globale) diminue de 70 % par rapport à un sujet âgé non vacciné qui attrape la grippe. Ce point mérite d’être connu », remarque le Dr Trivalle.

La stratégie en France est de vacciner les personnes à risque. « Les gens très âgés (au-delà de 85 ans) dénutris, immunodéprimés, fragiles, n’ont pas une réponse vaccinale maximale. Pour protéger ces personnes fragiles il est aussi intéressant de vacciner les personnes qui les côtoient : à la maison l’entourage ; en institution les soignants, visiteurs… Si l’on veut une immunité de groupe, 60 % des soignants doivent être vaccinés », précise le Dr Trivalle. En France, en moyenne, seulement 21 % des soignants le sont. Aux USA, certains établissements les obligent à se faire vacciner contre la grippe ou à porter un masque pendant toute l’épidémie, la contagiosité pouvant débuter jusqu’à 24 heures avant les symptômes.

« Entre les réticences de médecins au vaccin contre la grippe, les pro-homéopathie et les lobbies anti-vaccins, il devient difficile de convaincre de l’utilité de la vaccination, indique le Dr Trivalle. Les soignants devraient prendre conscience que si une épidémie de grippe arrive dans un EHPAD, ils sont à risque de l’attraper et de contaminer les personnes âgées dont ils s’occupent, leur famille et leurs connaissances… Pour eux, la vaccination dépasse le choix personnel : elle est professionnelle et altruiste. 

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Dr Sophie Parienté

Source : Le Quotidien du Médecin: 9449