Bruno Le Maire (UMP): « le tiers payant généralisé transformerait les médecins en fonctionnaires »

Publié le 05/03/2015
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Crédit photo : S. TOUBON

Membre du bureau politique de l’UMP, député de l’Eure, Bruno Le Maire se dit « totalement opposé » à la généralisation du tiers payant, qui selon lui fonctionnariserait les praticiens, fragiliserait les patients, et donnerait un poids accru aux complémentaires santé. Il s’explique en exclusivité pour le « Quotidien ».

LE QUOTIDIEN : Vous rencontrez ce jeudi des médecins généralistes à Pont-du-Casse dans le Lot-et-Garonne, au cours d’un déplacement qui s’inscrit dans la campagne des élections départementales. Dans quel but ?

BRUNO LE MAIRE : Je rencontre régulièrement des médecins. Ils éprouvent une profonde inquiétude, actuellement ravivée par le projet de Marisol Touraine de tiers payant généralisé. C’est un dispositif que je combats totalement parce que sa mise en œuvre transformerait les médecins libéraux en fonctionnaires ! Or les libéraux ont choisi leur métier, non pas pour être fonctionnaire et gérer la paperasse, mais pour exercer leur métier de médecin.

Nous sommes aujourd’hui dans une complète confusion des rôles qui ne bénéficiera à personne. Ni aux médecins qui se retrouveront accablés par des tâches administratives, ni aux patients à qui on est en train de vendre l’illusion d’un système de soins complètement gratuit. La solidarité, ça n’est pas la gratuité. La solidarité, c’est la responsabilité : on aide les plus fragiles, ceux qui ont des accidents de la vie, mais ce n’est pas la gratuité généralisée. Des dispositifs existent déjà, comme la CMU, ou la CMU complémentaire.

Cette gratuité généralisée conduirait à trois choses : à fonctionnariser les médecins, à les faire crouler sous les tâches administratives, et enfin au développement des complémentaires santé et donc à la fragilisation du système, et au bout du compte à la fragilisation des patients. J’y suis totalement opposé.

Beaucoup de pays européens ont cependant adopté sans dommage le tiers payant…

Oui, mais ils l’ont adopté sur la base d’un modèle social très différent, et en déchargeant les médecins des tâches administratives. Il n’est pas question d’en confier de nouvelles aux médecins, et notamment la gestion du recouvrement auprès des 600 complémentaires santé qui existent aujourd’hui. Ils ont déjà à subir la valeur peu élevée de leurs actes, s’ils doivent en plus prendre du temps pour gérer l’administration de ces actes, ils ne s’en sortiront pas.

Pensez-vous que 23 euros la consultation est un tarif beaucoup trop bas ?

Oui, c’est exactement ce que je dis. Il y a un vrai risque de paupérisation et de dévalorisation de ce métier.

Une proposition de loi émanant de députés UMP et UDI envisage de créer un numerus clausus à l’installation pour les généralistes. Elle a été dénoncée par Jean-Pierre Door qui assure que la majorité du groupe UMP de l’Assemblée nationale ne la soutient pas. Quel est votre avis ?

Il y a aujourd’hui un problème de déserts médicaux. Je suis bien placé pour le savoir. L’Eure, dont je suis élu, est un des départements les plus mal lotis en matière d’accès aux soins. Mais la solution passe-t-elle par la contrainte ? Je ne le pense pas.

Les bonnes solutions passent par des dispositifs incitatifs, notamment pour les jeunes médecins, et par la mise en place de maisons de santé rurales, qui permettent d’offrir un espace collectif aux praticiens qui viennent s’installer. On peut réfléchir à d’autres dispositifs encore plus efficaces, mais forcer les médecins à s’installer à tel ou tel endroit est une contrainte qui ne fonctionnera pas, et qui n’améliorera pas l’accès aux soins.

Propos recueillis par Henri de Saint Roman

Source : lequotidiendumedecin.fr
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