Le rapport présenté par le directeur général de la santé (DGS), Jean-Yves le Gall, et celui de l’Agence de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), Dominique Maraninchi, repose sur une analyse chronologique de l’affaire des prothèses PIP. Grâce aux archives de la direction des hôpitaux puis de l’AFSSAPS, on sait que dès 1996, les premières prothèses (avec sérum physiologique et hydrogel) fabriquées par la société PIP avaient poussé l’administration à diligenter une inspection. Une « surveillance spécifique » avait été entreprise jusqu’en 1997. Après la fin du moratoire sur le gel de silicone, en 2001, une nouvelle inspection de conformité est effectuée, qui relève « un nombre significatif d’écarts ». Mais la société PIP donne des réponses « jugées satisfaisantes » et aucune inspection n’est reprogrammée.
La mémoire des contrôles.
De 2002 à 2008, sous couvert des contrôles de l’organisme européen certificateur, Jean-Claude Mas peut poursuivre ses activités frauduleuses, en toute tranquillité. La première chose à regretter, dans le système de surveillance, c’est que « l’on n’ait pas la mémoire des contrôles », indique le Pr Maraninchi. « On aurait pu prêter plus d’attention à cette société ». Encore qu’une inspection, même inopinée, n’aurait pas été forcément efficace au regard de cette tromperie « particulièrement élaborée », souligne le rapport. La première des propositions (toutes retenues par le ministère de la santé) découle de ce constat : au niveau national, les inspections et les activités de vigilance réalisées par l’AFSSAPS seront renforcées avec une augmentation du nombre d’inspecteurs, des contrôles plus nombreux et inopinés, « tant sur les lieux de production que dans les établissements de santé ».
Autre défaillance du système, l’Agence n’a pas su prendre en compte les signaux envoyés notamment par l’autorité sanitaire américaine, la FDA, qui, en 2000, avait refusé l’agrément des prothèses PIP. « Nous devons plus coopérer et attraper les faisceaux d’arguments d’où qu’ils viennent », reconnaît le Pr Maraninchi. Une des réponses serait donc, au niveau européen, de « mettre en place une procédure de centralisation des signalements et de traitement entre autorités nationales compétentes suite à un signalement émanant d’un État membre ou d’un fabricant ». Plus largement, la directive relative aux dispositifs médicaux devra être « radicalement refondée en vue de renforcer les exigences essentielles sur les données cliniques à fournir et leur évaluation ».
Des signalements très tardifs.
Finalement, la découverte de la fraude, en mars 2010, tient à une délation, à un nombre croissant de signalements de rupture de prothèse et à l’alerte spécifique d’un chirurgien marseillais, le Dr Christian Marinetti. Pourquoi les données de matériovigilance n’ont-elles pas joué un rôle avant cette date ? C’est que les signalements parvenus à l’AFSSAPS n’ont montré « une inflexion à la hausse » qu’à partir des données de 2008 (analysées mi-2009). La décision de police sanitaire a eu ensuite « un effet de notoriété », relève le Pr Maraninchi, avec 11 fois plus de signalements entre mars 2010 et décembre 2011 qu’entre 2001 et mars 2010. « La différence (du taux de ruptures avec les autres marques de prothèses) aurait été très significative si on avait su plus tôt », regrette-t-il. Quant au signal transmis par le Dr Marinetti dès 2008, « s’il a été intégré dans la base de données », il n’a effectivement pas fait l’objet d’un accusé de réception. À la demande du ministère, le Dr Grall et le Pr Maraninchi doivent remettre, début mars, des propositions de « refonte du système des vigilances, permettant une déclaration simple, accessible et rapide pour une efficacité maximale ». Selon les premiers éléments, cette réforme comportera un portail unique national de déclaration pour toutes les vigilances, un format unique simplifié de déclaration, une articulation systématique avec l’échelon régional et un retour d’informations systématique au déclarant. La DGS et l’AFSSAPS doivent également établir la liste des dispositifs médicaux implantables à risque et le programme d’inspection envisagé pour cette année.
Enfin, en ce qui concerne les femmes porteuses d’implants PIP, la recommandation reste l’extraction. Faute de traçabilité de ces implants et au regard de leur diversité et de leur malfaçon, « on ne peut avoir confiance dans aucune prothèse », rappelle le Pr Maraninchi. « C’est le principe de précaution qui doit s’appliquer ».
Le rapport de la DGS et de l’AFSSAPS est mis en ligne sur le site du ministère.
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