LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN - Le rapport sur les prothèses mammaires PIP explique comment les autorités sanitaires mais aussi les professionnels de santé ont été abusés. Comment se prémunir contre ce type de fraude ?
NORA BERRA - Le rapport a été commandé début décembre. La DGS et l’AFSSAPS ont fait un travail remarquable, factuel, exigeant et surtout sans complaisance. Ils ont dû éplucher 6 mètres linéaires de dossiers pour rendre compte de la chronologie des événements. Xavier Bertrand et moi-même allons reprendre toutes leurs propositions. Au niveau national, les inspections et les contrôles vont être plus réguliers, inopinés, sur les lieux de production et dans les établissements de santé. Dans le cas des dispositifs médicaux à haut risque, ces contrôles seront plus fréquents, au moins une fois par an, chez tous les fabricants de façon à vérifier systématiquement la conformité des procédures de fabrication.
Mais nous voulons aller plus loin et revoir tout le système de vigilance. Une feuille de route a été donnée en ce sens à Dominique Maraninchi et à Jean-Yves Grall qui vont être appuyés par l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales). Début mars 2012, nous devrions avoir leurs propositions. Il faut que les notifications et les signalements qui remontent au niveau national puissent ensuite redescendre au niveau régional et local, de façon à ce que des enquêtes plus fouillées soient menées. Nous souhaitons également faciliter le signalement des effets indésirables. Aujourd’hui, le système est trop compliqué. Il doit être plus accessible via par exemple un portail unique sur lequel les professionnels pourront renseigner les cas.
Toutefois la loi sur le renforcement de la sécurité sanitaire du médicament du 29 décembre 2011 a déjà permis certaines avancées. Elle a sécurisé le statut des lanceurs d’alerte, ce qui est loin d’être négligeable. Dans le cas des prothèses PIP, on sait qu’il y a eu dénonciation des malversations par un employé de l’entreprise. La loi permet aussi le signalement par les usagers eux-mêmes, cela concernera aussi les dispositifs médicaux. Les femmes pourront ainsi signaler elles-mêmes les ruptures de prothèses.
Tous les dispositifs médicaux vont-ils être concernés ?
D’ici mars 2012, le directeur de l’AFSSAPS devra établir la liste des dispositifs médicaux à risque et le programme des inspections pour l’année. Quels sont les dispositifs médicaux à risque ? Quels dispositifs ne le sont pas ? Nous considérons que les dispositifs implantables sont plus sensibles et qu’ils devront être soumis à des inspections et des prélèvements plus fréquents.
Comment comptez-vous agir au niveau européen ?
La Commission européenne a mis à son agenda la révision de la directive 93/42/CEE. Ses recommandations sont attendues pour le mois de mars. Nous voulons là aussi aller plus loin qu’une simple révision. Il faut une refonte radicale du système. Aujourd’hui aucune étude clinique n’est exigée pour la mise sur le marché des dispositifs. Il s’agit de s’inspirer du système d’Autorisation de mise sur le marché (AMM) qui existe pour le médicament même si la procédure n’est pas la même. La commercialisation des dispositifs médicaux doit reposer sur des données cliniques robustes de sécurité et d’innocuité. Quant aux organismes notifiés habilités à effectuer les contrôles, ils devront répondre à un cahier des charges précis avec des critères harmonisés pour l’ensemble des États membres.
Il faut plus de coopération entre les États. C’est très important. On voit bien que des cas ont été notifiés dans un pays sans que les autres ne le sachent. Nous sommes le premier pays à avoir lancé l’alerte au niveau européen alors qu’il existait des cas ailleurs. Pour formaliser cette coopération, nous souhaitons la mise en place d’un Comité européen des dispositifs médicaux sur le modèle de l’Agence européenne du médicament.
Environ 30 000 femmes sont concernées en France. L’explantation des prothèses, à titre préventif, est recommandée et prise en charge gratuitement. Y a-t-il du nouveau dans la prise en charge des réimplantations ?
Toutes les extractions sont prises en charge par l’assurance-maladie de même que les reconstructions mammaires après cancer. En revanche, les réimplantations de prothèses à visée esthétique ne le sont pas. L’assurance-maladie n’a pas vocation à financer de la chirurgie esthétique. Ce n’est pas le but de la solidarité nationale. En revanche, nous travaillons dans le cadre du comité de suivi, avec les chirurgiens et le conseil national de l’ordre des médecins. Le Conseil de l’Ordre a donné comme instruction d’appliquer le tact et la mesure. Autrement dit de ne pas appliquer de dépassements d’honoraires. Par ailleurs, certains fabricants ont proposé des prothèses à faible coût. Les femmes pourront donc être réimplantées à moindre coût d’autant que si elles optent pour une réimplantation pendant l’explantation, elles n’auront pas à financer une nouvelle hospitalisation.
Le 1er février a marqué les cinq ans du plan Alzheimer 2008-2012. Il arrive à échéance dans quelques mois. Que se passera-t-il ensuite ?
Le président de la République a annoncé un nouveau plan. Sinon, les familles et les patients ne comprendraient pas. C’est un plan exemplaire et envié par beaucoup de pays dans le monde. J’ai beaucoup travaillé à ce plan quand j’étais en charge des aînés. Il a permis des avancées dans plusieurs domaines, la recherche, le diagnostic avec les centres de consultation labellisés et l’accompagnement médico-social des patients. Grâce à la convention passée avec l’Association France Alzheimer, 6 000 aidants ont été formés sur tout le territoire national. Les Maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer (MAIA) sont la réponse la plus adaptée à la nécessaire coordination entre les différents acteurs de la prise en charge tant sanitaire, médico-sociale que sociale.
Un plan Santé mentale (2011-2015) est en préparation. Certains syndicats de psychiatres en critiquent la forme car il se limite à de grandes orientations stratégiques. Pourquoi n’avoir pas envisagé un plan d’actions plus détaillé comme le précédent ?
La gouvernance de la santé a changé. Il ne s’agit désormais plus de travailler sur un mode descendant et centralisé mais plutôt de lancer une stratégie nationale. Ce plan tient compte de l’implication des Agences régionales de santé (ARS) qui devront améliorer le système de soins psychiatriques en fonction des spécificités territoriales. Nous n’allons pas modifier l’organisation actuelle de la filière de soins car tous les acteurs sont attachés aux secteurs et aux inter-secteurs. Nous allons donc améliorer l’existant. Il était très important de donner des axes stratégiques à l’échelle nationale pour qu’ensuite il y ait une adaptation au niveau régional en fonction des spécificités des territoires, des bassins de vie et de l’offre de soins locale. Un patient qui habite Marseille doit pouvoir être pris en charge aussi efficacement qu’un patient qui habite Lille. Les ARS devront rendre compte de leurs actions à la DGS. Il est primordial que le patient soit au cœur du dispositif.
Des syndicats évoquent un « simulacre de concertation » lors de l’élaboration du plan…
Nous n’avons pas bâti ce plan de façon isolée. Tous les acteurs concernés se sont retrouvés autour d’une table. On s’est donné du temps et tout le monde a travaillé. Une première version a été soumise aux membres du comité d’orientation qui ont été libres de proposer des modifications. La dernière réunion de consultation (le 26 janvier ndlr), a été consensuelle. À l’issue de cette réunion, certains nous ont adressé des contributions car nous leur avions de nouveau offert la possibilité de le faire. Cela signifie que les acteurs ont joué le jeu. Le plan final devrait être prêt à la fin de la semaine et devrait être présenté en Conseil des ministres le 29 février.
Le plan psychiatrie et santé mentale prévoit une évaluation du nouveau dispositif de soins psychiatriques sans consentement. Des ajustements seront-ils à prévoir ?
Je vais vous étonner mais la mise en place de la nouvelle législation se passe très bien. Il y a certes des difficultés ponctuelles qui sont en cours de traitement au niveau des déplacements de patients sur certains tribunaux. Mais les différents acteurs de la santé et de la justice se sont approprié la loi. Alors qu’il s’agissait de deux mondes avec deux cultures professionnelles différentes, chacun a fait un pas. Tout le monde a fait des efforts. Il y a eu un gros travail des ministères pour faire en sorte que les professionnels de santé et ceux de la justice se parlent et s’approprient la culture de l’autre.
En cette année 2012 de grande cause nationale pour l’autisme, un député a récemment déposé à l’Assemblée une proposition de loi visant à interdire la pratique psychanalytique dans l’accompagnement des personnes autistes. Peut-on vraiment légiférer sur cette question ?
Ce n’est pas au législateur d’intervenir sur les modes de prise en charge. Cela appartient aux professionnels de santé. Durant le débat sur la réforme des soins psychiatriques sans consentement, certains ont voulu me pousser à légiférer sur les pratiques dans le cadre d’une « grande loi psychiatrie » alors qu’il s’agit des prérogatives des professionnels de santé.
Article précédent
Xavier Bertrand se félicite de l’organisation du retrait préventif des prothèses PIP
Article suivant
Fraude et défaillances, le rapport PIP dévoile ses recommandations
Xavier Bertrand se félicite de l’organisation du retrait préventif des prothèses PIP
« Il faut revoir tout le système de vigilance »
Fraude et défaillances, le rapport PIP dévoile ses recommandations
Halte à la « psychose »
L’AFSSAPS doit parer aux attaques
Prothèses PIP : les autres implants sur le marché sont « conformes »
Les chirurgiens pris dans le tourbillon de l’affaire PIP
Dispositifs médicaux : Xavier Bertrand souhaite augmenter le nombre de contrôleurs
Prothèses PIP : l’encadrement des dispositifs médicaux en question
Prothèses mammaires PIP : 8 cancers signalés
Prothèses PIP : un comité de suivi sanitaire est mis en place
Implants PIP : l’AFSSAPS renouvelle ses recommandations
Implants mammaires PIP : un premier décès, mais non attribuable
Implants mammaires PIP : les ganglions en question
Surveillance renforcée des porteuses d’implants PIP
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation