Endocrinologie

À la recherche des diabètes du troisième type

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Publié le 19/12/2022
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Les prochaines décennies devraient malmener la classique distinction entre DT1 et DT2 en permettant de mieux distinguer les différentes formes de diabète entre elles.

Crédit photo : CHU MONTPELLIER/PHANIE

Alors que certains types de diabète comme le DT1, les diabètes secondaires à une endocrinopathie (type Cushing ou acromégalie) ou encore certains diabètes monogéniques (Mody) sont bien identifiés grâce à des marqueurs biologiques, il n’existe en revanche aucun marqueur étiologique dans la majorité des diabètes étiquetés « de type 2 » (DT2). « Dans cet ensemble artificiel, on trouve par exemple du diabète Mody dont on ignore encore quels gènes sont mutés », indique le Pr Jean-François Gautier, président de la Société francophone du diabète (SFD).

Une maladie aux multiples visages

L’avenir devrait permettre d’y voir plus clair en distinguant mieux les différents types de diabètes entre eux. Le plan Médecine France génomique 2025 devrait notamment livrer plus de détails sur les différents diabètes monogéniques tandis que les méthodes de stratification par clusters permettront d’ici 10 à 30 ans de démêler les divers endotypes.
Apparues il y a cinq ans environ, ces « clusterisations » s’appuient sur des critères biologiques et cliniques simples (âge, sexe, HbA1c, insulinémie, glycémie à jeun…) afin de définir des endotypes et d’en déduire des traitements et une surveillance adaptée. « Il s’agit par exemple de distinguer un diabète associé à la maturité, chez un sujet modérément obèse, sans complications, qui, détecté précocement, requiert de la metformine sans besoin d’escalade thérapeutique, illustre le spécialiste. À l’inverse, certains patients présentent un déficit de l’insulinosécrétion majeur et l’insuline s’imposera d’emblée. »

Ce concept de stratification du DT2 « nous fait entrer dans la médecine de précision, poursuit Jean-François Gautier. En découleront, j’en suis convaincu, de potentielles cibles thérapeutiques ».

Plus de diabétiques de type 2 mais moins de complications ?

Sur le plan épidémiologique, même si la hausse de l’incidence a tendance à s’infléchir, la population des diabétiques de type 2 ne cesse d’augmenter. Mais les diabétiques de demain ne ressembleront pas à ceux d’hier. Grâce aux antidiabétiques les plus récents (aGLP-1 et iSGLT-2) qui réduisent le risque cardiovasculaire et rénal, « les diabétiques de type 2 traités aujourd’hui vivront en meilleure santé et plus longtemps », anticipe le Pr Gautier, avec moins d’insuffisances cardiaque et rénale, moins d’infarctus du myocarde, moins de mises en dialyse. « Nous suivrons donc plus de diabétiques complexes, et l’on ne peut exclure la découverte de nouvelles comorbidités du fait de l’exposition chronique au diabète, auparavant occultées par les décès survenus plus précocement. Je veux parler de la cirrhose métabolique et du cancer hépatique lié au diabète, du diabète “de type 3” associé à la démence (le diabète double le risque de démence), des cardiomyopathies non ischémiques ou encore de certaines neuropathies autonomes », liste le diabétologue.

« Je pense également que le changement climatique impactera à la baisse la prévalence du DT2, poursuit le Pr Gautier. Au même titre que la “sobriété énergétique”, l’alimentation et l’activité physique évolueront sous la contrainte, avec moins de produits carnés et transformés, moins de déplacements motorisés… »

Diabète de type 1, la démocratisation du pancréas artificiel en marche

En France, l’incidence du diabète de type 1 (DT1) augmente en moyenne de 4 % par an. « Cette population de diabétiques croissante bénéficiera sans nul doute de la démocratisation du pancréas artificiel, qui aura perdu son côté hybride avec le perfectionnement des algorithmes et des capteurs de glycémie, rendant l’intervention humaine inutile », prédit Jean-François Gautier.

Par ailleurs, d’ici à 30 ans, la thérapie cellulaire devrait être une réalité « et la greffe de cellules souches différenciées en cellules bêta insulinosécrétrices dans le diabète de type 1 libérera du traitement immunosuppresseur et des injections d’insuline ». On sait d’ores et déjà différencier et cultiver des cellules souches embryonnaires humaines en
cellules bêta sécrétrices d’insuline.

Quant à la prévention du DT1, la révolution commence maintenant : la FDA américaine vient d’autoriser des anticorps monoclonaux anti-CD3 qui paralysent les lymphocytes chez des sujets à risque de diabète de type 1 (qui synthétisent déjà des anticorps dirigés contre la cellule béta insulinosécrétrice, sans pour autant être diabétiques). L’apparition du diabète est retardée de 2 à 5 ans. Il sera donc possible de jouer sur le système immunitaire à un stade précoce et de retarder/prévenir le diabète.


Source : Le Généraliste