Dr Lise Alter, directrice générale de l'Agence de l'innovation en santé

« Nous voulons accélérer l’accès aux innovations »

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Publié le 19/12/2022
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Depuis son lancement officiel début novembre, l’Agence de l’innovation en santé (AIS) affiche son objectif de « coordonner les travaux sur la prospective en santé pour caractériser les besoins à venir du système de santé » et d’ « anticiper leurs impacts sur le système de prévention et de soin ». Sa directrice générale, le Dr Lise Alter, nous livre sa vision de la nouvelle agence.

Crédit photo : DR

Vous dirigez la jeune Agence de l’innovation en santé. Quelle est votre vision du système de santé en 2050 ?

Dr Lise Alter : Pour 2050, je ne me risquerai pas à vous répondre. L’Agence a été créée il y a seulement quelques semaines ! En revanche, l’idée va être de construire la feuille de route au 1er semestre 2023 afin de la structurer, avec des objectifs ambitieux mais réalistes, pour les cinq prochaines années. Quand nous aurons passé la phase d’écoute active, nous entamerons un tour de France de l’innovation en régions. À l’horizon 2030, il y a déjà des objectifs qui ont été fixés à travers le plan France 2030 : doubler la production de biomédicaments en France ; doubler le nombre d’emplois dans le domaine de la bioproduction ; faire émerger des ETI (entreprises de taille intermédiaire) ; faire émerger aussi, dans le domaine des maladies infectieuses, des innovations et répondre aux enjeux d’anticipation des crises sanitaires ; dans le domaine du numérique, poursuivre les efforts avec la délégation du numérique en santé qui met en place une nouvelle feuille de route. Les jalons à moyen et long termes sont fixés ou en train de l’être. Ce qu’on peut espérer, c’est que d’ici 2030, la France soit un leader de l’innovation en santé, qu’elle ait vu émerger des champions de l’innovation en santé sur son territoire, qu’elle ait pu se réindustrialiser et qu’elle ait pu regagner en souveraineté au niveau national et faire en sorte que les patients aient accès aux innovations.

La prospective en santé est votre premier axe. Comment allez-vous l’adresser ?

Dr L. A. : L’objectif de l’Agence est, d’une part, d’assurer une mission de prospective en santé et de coordonner les efforts pour être en capacité d’anticiper les innovations à venir dans le secteur, de faire de la veille et de faire des choix en matière d’investissement. Nous ne voulons plus être dans une situation où nous subissons l’arrivée des innovations. Cela concerne des innovations autour des produits de santé qui peuvent être en cours de développement mais aussi des innovations technologiques qui peuvent trouver des cas d’usages dans la santé.
Et, en effet miroir, nous voulons identifier les besoins médicaux non couverts et en particulier les aires thérapeutiques et les thématiques, sur lesquelles nous devons investir davantage encore dans le domaine de la recherche. L’idée est de créer une communauté de partenaires qui vont aider sur ce volet-là.

Un deuxième axe concerne l’accélération. En quoi cela consiste-t-il ?

Dr L. A. : Du fait de son rattachement au Secrétariat général pour l’investissement (SGPI), l’Agence de l’innovation en santé va poursuivre les efforts en lien avec la déclinaison du plan France 2030, et donc le suivi de l’ensemble des actions. Trois grands domaines de la santé ont été définis : le biomédicament et la bioproduction, le numérique, les maladies infectieuses émergentes. L’objectif est de connecter à la fois les enjeux liés à l’innovation en santé, à la recherche et à l’industrialisation, pour que nous ayons la complétude de l’écosystème et un développement de filières de façon harmonisée et sans facteur limitant tout au long de la chaîne. Un des axes majeurs du plan France 2030 est la formation. L’enjeu est majeur d’avoir des compétences pour pouvoir assurer une filière qui soit en mesure d’atteindre ses objectifs.

Et au-delà de ces enjeux France 2030, l’Agence va se structurer autour de l’accélération de la simplification et de la structuration des process réglementaires et administratifs. Une équipe travaillera sur tous les sujets autour de la recherche, du transfert de technologies mais aussi de l’accès au marché. Il s’agit de faire en sorte que tout au long de la chaîne de valeur, nous puissions garantir les délais les plus courts possibles et gagner du temps à chacune des étapes afin d’accélérer la mise à disposition des produits pour les patients.

Le dernier axe porte sur l’accompagnement. Comment allez-vous intervenir ?

Dr L. A. : Sur ce volet, l’idée sera d’accompagner un certain nombre de porteurs de projets – le cœur de cible repose sur les healthtech – pour leur assurer une résolution des problèmes qu’ils peuvent rencontrer, en fonction de la maturité des projets. Cet accompagnement ne sera pas nécessairement financier mais pourra porter sur l’accélération des process. Un label AIS sera possiblement mis en place pour ces projets prioritaires, qui seront ensuite travaillés en lien avec nos partenaires, car l’agence aura pour mission de faire le relais et le lien avec toutes les structures institutionnelles qui ont vocation à intervenir dans le parcours des porteurs de projets.

Quels seront vos partenaires ?

Dr L. A. : Je suis dans une phase d’écoute active et de rencontres pour mettre en place ces partenariats. Il s’agit des administrations, de l’ensemble des agences et opérateurs de l’État, des organismes de recherche, des académiques, des professionnels de santé, des représentants des hôpitaux, des représentants du secteur du soin. Et de l’ensemble des parties prenantes qu’il faudra intégrer dans la réflexion, comme les associations de patients et usagers et les industriels.

Quelle sera la place des professionnels de santé ?

Dr L. A. : Les professionnels de santé vont porter leur voix sur l’axe prospectif. D’autre part, l’agence a vocation à être connectée au terrain. Nous voulons animer une communauté de référents de l’agence en région, au sein des territoires. L’idée est que l’agence soit à l’écoute du terrain et des innovations qui partent souvent d’initiatives portées par des chercheurs, des professionnels de santé… Nous aurons un certain nombre de projets prioritaires qui seront décidés avec notre communauté de partenaires. L’objectif in fine est d’accélérer l’accès aux innovations et de mettre à disposition des professionnels et des patients des innovations sur les plans diagnostique, thérapeutique, de la prévention, des dispositifs médicaux, des dispositifs numériques pour améliorer les parcours de soins, l’accès aux soins et l’attractivité pour les soignants. Le but est de contribuer, à travers l’accompagnement des innovations, à la transformation du système de santé. Même si j’ai bien conscience que ce n’est pas la seule et unique réponse.

Certaines innovations ont changé la prise en charge. Quel accompagnement allez-vous déployer ?

Dr L. A. : Dans l’axe prospectif, il est important d’anticiper ces innovations car elles ont un impact sur le système de santé. Il faut que nous soyons collectivement en mesure d’anticiper ces évolutions organisationnelles. Pour que ce soit soutenable, nous devons rechercher ces gains d’efficience pour les traduire ensuite en termes d’organisation des soins. Et suffisamment tôt pour que cela puisse se faire dans de bonnes conditions, en accueillant aussi des innovations thérapeutiques.

Aujourd’hui, avec les délégations de tâches et transferts de compétences, on refaçonne les contours du métier de médecin généraliste. Comment allez-vous travailler sur ces évolutions ?

Dr L. A. : Là encore, notre objectif est d’accélérer l’accès aux innovations qui peuvent apporter une valeur au système de santé. Cette valeur se traduit évidemment en termes d’efficacité, d’amélioration de la vie et de la qualité de vie des patients mais aussi à travers une amélioration de la prise en charge, de l’organisation des soins pour les professionnels de santé. Pour qu’un patient soit bien pris en charge, il faut que l’équipe soignante soit bien organisée et en mesure de le prendre en charge. Et on voit bien que plus il y a de tensions, notamment sur le plan démographique, plus on est en responsabilité d’être ouvert à cette innovation organisationnelle.

L’Agence de l’innovation en santé en bref

> Lancement début novembre 2022
> Rattachée au Secrétariat général pour l’investissement
> Position interministérielle : de la Santé et de la Prévention,
de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, et de l’Industrie
> Missions : suivi des mesures du plan Santé France 2030, travaux sur la prospective en santé, sur l’accélération de l’innovation et l’accompagnement des projets prioritaires d’innovation
> Budget du plan France 2030 en santé : 7,5 milliards d’euros
> Effectifs : le pôle santé du SGPI, composé de trois personnes et de deux
des coordonnateurs des stratégies d’accélération, va intégrer l’Agence,
et il est prévu le recrutement de dix personnes


Source : Le Généraliste