Oubliez Mark Zuckerberg et ses rêves de magnat du numérique ! Le métavers n’est pas (uniquement) un concept commercial destiné à promouvoir les casques de réalité virtuelle de Meta, la société mère de Facebook. De même, les jumeaux numériques ne sont pas qu’une manière modernisée de parler de la bonne vieille modélisation. Selon bon nombre d’observateurs, ces deux technologies pourraient au contraire transformer profondément le quotidien des soignants : de la formation à la thérapeutique en passant par l’organisation des soins, tous les aspects du système de santé seraient concernés…
On ne peut pourtant pas dire que métavers et jumeaux numériques brillent par la clarté de leur définition. « Le métavers en santé est quelque chose d’extrêmement mal défini, reconnaît le Pr Patrick Nataf, chirurgien cardiaque à l’hôpital Bichat-Claude-Bernard (AP-HP) et co-responsable pédagogique du diplôme universitaire « Metaverse en santé » de l’université Paris-Cité. Ce serait un univers virtuel dans lequel le médecin peut voyager pour répondre aux besoins de sa profession. » Mais ce flou ne doit pas laisser penser que l’apport du métavers pour le professionnel serait évanescent. Il doit au contraire, insiste l’universitaire, inciter à réfléchir aux « applications réelles, nécessaires dont le médecin aura besoin ».
Et l’avantage, c’est que certaines de ces applications existent déjà. « La plus connue est le traitement des phobies et de l’anxiété », illustre le Pr Boris Hansel, l’autre co-responsable pédagogique du DU de Paris-Cité. Cet endocrinologue de Bichat fait notamment référence aux travaux menés pour prendre en charge la peur de l’avion, ou encore des araignées, via la réalité virtuelle, mais ajoute que d’autres applications sont possibles, notamment dans le domaine de la télé-expertise, la téléconsultation, et bien sûr la formation.
De l’opération chirurgicale à la gestion d’une crise sanitaire
Certaines start-up françaises sont d’ailleurs d’ores et déjà positionnées sur le créneau. C’est le cas de Simango, qui organise depuis 2017 des formations numériques à destination des professionnels de santé. Pour l’instant, celle-ci utilise la réalité virtuelle et les serious games, mais voudrait passer au stade supérieur. « Même Facebook dit que le métavers, on n’y est pas encore, remarque le Dr Vincent-Dozhwal Bagot, cofondateur de l’entreprise. Mais nous avons une feuille de route pour y parvenir dans les trois ans. » Et ce médecin de santé publique de citer notamment la nécessité, pour atteindre cet objectif, d’être « disponible sur tous supports, et pas seulement via le casque », de disposer d’avatars, d’intégrer la possibilité d’interagir à plusieurs autour d’un même scénario…
Autre technologie, que l’on classe d’ailleurs parfois comme l’une des applications possibles du métavers : les jumeaux numériques. Ceux-ci constituent « une représentation virtuelle d’un système, tel qu’un organe ou un processus de soins », écrit Sandra Bertezene, titulaire de la chaire de gestion des services de santé au Conservatoire national des arts et métiers, dans un article paru cette année dans la revue Médecine/Sciences. Et selon elle, on peut aussi bien les utiliser pour anticiper une opération du pied ou pour prévoir les effets d’un médicament que pour « gérer les risques inhérents à une crise sanitaire », notamment pour « pallier les défaillances des systèmes d’information ».
Un jumeau numérique du patient
Et dans ce domaine aussi, des start-up françaises jouent un rôle pionnier. On peut notamment citer ExactCure, qui œuvre dans le domaine du médicament. « Nous construisons un jumeau numérique du patient qui prend ses médicaments et nous simulons le devenir de ces médicaments en fonction de son poids, de sa taille, de tout ce qui fait qu’il s’agit d’un individu unique », explique Frédéric Dayan, fondateur de l’entreprise. L’outil peut être intégré au logiciel métier du médecin, mais aussi téléchargé par le patient sous forme d’application. Bien sûr, le grand enjeu est de gérer les interactions médicamenteuses, et ExactCure y travaille. « Pour l’instant, on sait prendre en compte les interactions une à une, entre deux médicaments, et nous travaillons sur les interactions multi-médicaments », indique Frédéric Dayan. Un pas de plus vers un monde où ce qui se passe dans le numérique ressemblera de plus en plus à ce qui se passe dans la vraie vie.
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