Les urgences psychiatriques représentent environ 10 % des urgences. Leur prise en charge par les Services d’accueil des urgences (SAU et SAMU) est souvent longue et complexe. Pour qu’elle soit optimale, elle doit s’organiser au minimum en deux étapes. Même lors des situations classiques ou évidentes – comme les états de décompensation aiguë des pathologies psychiatriques chroniques, ou encore de crises suicidaires – le médecin urgentiste doit, devant une symptomatologie purement fonctionnelle, des réponses évasives à l’interrogatoire et d’éventuels troubles du comportement, effectuer une évaluation initiale pertinente afin d’éliminer une pathologie organique occulte. L’orientation psychiatrique ne sera effective qu’à l’issue de l’expertise psychiatrique, effectuée dans deuxième temps.
L’évaluation initiale doit systématiquement passer en revue quatre items. Existe-t-il un facteur déclenchant, un traumatisme ou un conflit récent ? Des idées suicidaires sont-elles exprimées ou retrouvées à l’interrogatoire ? Le patient fait-il usage de toxiques et/ou présente-t-il des signes évidents d’imprégnation alcoolique, et quel est son éventuel traitement ? Le propos ou la présentation sont-ils bizarres, délirants ? « Il ne s’agit pas à ce stade de poser un diagnostic précis, souligne le Dr Hélène Cardot, mais de repérer une symptomatologie qui orientera vers une évaluation psychiatrique. L’évaluation initiale se fait face au patient ou au téléphone, parfois auprès de l’entourage. »
Il existe également une complémentarité de la spécialité d’urgence avec la psychiatrie au SAU, autour des situations d’alcoolisation aiguë. « L’ivresse, explique le Dr Cardot, est la première cause d’admission aux urgences. Une telle fréquence expose au risque de banalisation, voire de négligence involontaire, d’autant que ce sont souvent les mêmes personnes qui reviennent pour la même raison. Nous parlons ici de l’urgence, mais il faut savoir que 80 % des patients alcoolodépendants ont, à un moment de leur vie, présenté un épisode dépressif. En revanche, il n’y a pas une addiction à l’alcool derrière toute ivresse ». Dans les faits, l’Équipe de liaison et de soins en addictologie (Elsa) intervient de plus en plus souvent. La prise en charge peut donc être triple : initiale par l’urgentiste, secondaire par le psychiatre et/ou l’addictologue. S’il s’agit d’une ivresse simple, la personne est vue par l’urgentiste et l’Elsa ; si l’ivresse est complexe (excitomotrice, propos délirants ou suicidaires), le psychiatre intervient.
Autour de l’accouchement
Dans le péripartum, les urgentistes doivent parfois faire face à des troubles psychiatriques qui peuvent rapidement apparaître de façon aiguë. Soit la femme présente une pathologie psychiatrique connue et décompense au moment de l’accouchement, soit il s’agit de troubles survenant au décours immédiat de l’accouchement. Il est également possible que certaines femmes viennent accoucher inopinément en service d’urgence (grossesse non suivie, non traitée). Ces femmes, on le sait, sont à haut risque de présenter un trouble psychiatrique associé.
« Les urgentistes n’ont pas le temps de faire une réelle évaluation psychiatrique, explique le Dr Cardot. Mais tous les services d’urgence n’ont pas de psychiatre. Or plus il est présent, plus la prise en charge est rapide. C’est une réelle complémentarité que la Société française de médecine d’urgence (SFMU) et l’Association francophone pour l’étude et la recherche sur les urgences psychiatriques (Aferup) ont l’ambition de continuer à développer au quotidien ».
Entretien avec le Dr Hélène Cardot, vice-présidente de l’Aferup, service de psychiatrie, Hôpital Louis Mourier, Colombes.
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