Deux études de sécurité cardiovasculaire

Les incrétines marquent le premier essai

Publié le 21/10/2013
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Crédit photo : BSIP

« CES DEUX VASTES ÉTUDES, font suite aux problèmes soulevés par les glitazones et aux nouvelles règles adoptées en 2008 par la FDA et l’EMEA. Ce sont des études sécurité cardiovasculaires forcées de non-infériorité », rappelle Naveed Sattar (Glasgow, Écosse) qui commentait ces études en séance plénière.

Elles comparent toutes deux, chez des patients à haut risque cardiovasculaire, l’ajout d’un inhibiteur DDP4alogliptine dans EXAMINE, saxagliptine dans SAVORversus placebo en double aveugle. Les praticiens pouvaient ajuster librement les traitements. Et devaient intensifier le traitement glycémique (anti-DDP4 et GLP1 exclus) chez les patients mal contrôlés.

On a néanmoins une différence d’HbA1c entre les deux bras anti DDP4 sous placebo à l’issue des études, en faveur du bras anti-DDP4, même s’il y a eu plus d’intensifications spontanées dans les bras placebo. Elle est toutefois relativement faible (0,30-0,35 %). Il ne s’agit pas d’études d’efficacité glycémique.

Haut risque cardiovasculaire.

Ces études ont porté sur deux types assez différents de patients à haut risque cardiovasculaire. SAVOR porte sur 16 500 diabétiques de type 2 présentant des antécédents cardiovasculaires (80 %) ou à haut risque (20 %). EXAMINE a exclusivement recruté des diabétiques de type 2 à distance proche - 15 jours à 3 mois - d’un syndrome coronaire aigu. Donc des sujets à très haut risque, d’où un moindre nombre de patients, 5 400 inclus.

SAVOR et d’EXAMINE sont globalement rassurantes sur le plan cardiovasculaire. Il n’y pas eu plus d’événements cardiovasculaires majeurs dans les bras sous anti-DDP4. Le critère de non-infériorité est satisfait dans les deux essais.

Jeu égal sur décès cardiaques, infarctus et AVC.

Dans EXAMINE le critère principal – décès cardiovasculaires, infarctus du myocarde (IDM) et accidents vasculaires cérébraux (AVC) – est de 11,3 % dans le bras alogliptine versus 11,8 % dans le bras placebo après 18 mois de suivi médian (RR = 0,96, P ‹ 0,001 pour la non-infériorité). Le critère secondaire principal associant décès cardiovasculaire, IDM, AVC plus revascularisation coronaire urgente est à 12,7 % sous saxagliptine versus 13,4 % avec placebo (RR = 0,95 NS).

Dans SAVOR, le même critère primaire est de 7,3 % dans le bras saxagliptine versus 7,2 % dans le bras placebo au terme d’un suivi médian de 2,1 ans (RR = 1,1, p ‹ 0,001 pour la non-infériorité). Le critère secondaire principal est ici plus vaste. Il englobe en plus des décès/IDM/AVC/revascularisation, les hospitalisations pour angor et l’insuffisance cardiaque. On est à 12,8 % sous saxagliptine versus 12,4 % avec placebo (RR = 1,02; NS; [0,94 à 1,11]).

Principe de réalité.

« On peut regretter que ces essais ne mettent pas en évidence de bénéfice cardiovasculaire. Les méta-analyses d’études de phase II-III suggéraient, il est vrai, un avantage. Mais on ne peut s’en étonner sauf à oublier le principe de réalité… vu le différentiel modeste d’HbA1c et la durée très limitée (1,5-2 ans) des études, quand pour mémoire, il a fallu 10 ans de recul dans UKPDS pour mettre en évidence le bénéfice macrovasculaire. D’autant que les inhibiteurs DDP4 ont une activité essentiellement glycémique, l’effet sur les lipides et la tension artérielle est minime. À la différence des agonistes GLP1 actifs à la fois sur la glycémie, le poids et les lipides, donc potentiellement plus à même de modifier le risque cardiovasculaire. Ce que l’étude TECOS, en cours, nous dira », explique N. Sattar.

Bénéfice rénal.

Une analyse des événements microvasculaires dans SAVOR apporte de l’eau au moulin. On a une moindre progression de la microalbuminurie sous saxagliptine. La microalbuminurie s’est dégradée dans 11 % des cas sous saxagliptine versus 13 % sous placebo. A contrario elle s’est améliorée dans 9 % des cas dans le bras placebo versus 11 % sous saxagliptine (p ‹ 0,001), d’après les données complémentaires présentées à l’EASD par Itamar Raz (Jérusalem, Israël). Cet item est en cours d’analyse dans EXAMINE.

Incertitude sur l’insuffisance cardiaque.

Les données présentées à l’ESC rapportaient un excès inattendu d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque dans l’étude SAVOR dans le groupe saxagliptine. On était à 3,5 % versus 2,8 %, d’hospitalisations (RR = 1,27 ; p = 0,02). Soit une augmentation significative de 27 % des hospitalisations pour IC. Ce signal a fait l’objet d’analyses complémentaires présentées à Barcelone par Deepak Bhatt (Boston, États-Unis). Ces nouvelles données montrent que le risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque est d’autant plus important que les patients présentant à l’entrée dans l’étude un taux de pro-BNP élevé. Il n’est significatif que dans le plus haut quartile de pro-BNP initial (333 à 44 000 pg/ml). On est alors à 10,9 % d’hospitalisations pour IC versus 8,9 % (p = 0,024)

En revanche, dans l’essai de plus petite taille EXAMINE, l’analyse a posteriori – le critère n’avait pas été spécifié au départ – on n’a pas retrouvé d’augmentation significative des hospitalisations pour insuffisance cardiaque sous alogliptine. On est à 3,9 % sous alogliptine versus 3,3 % sous placebo (RR = 1,19, NS). L’analyse d’un critère composite, post-hoc, associant décès/IDM/AVC revascularisations et hospitalisations pour IC ne met pas non plus en évidence de différence (16 % versus 16,5 % ; RR = 0,98, NS). Enfin, même en se restreignant aux sujets ayant des antécédents d’IC (avant le syndrome coronaire aigu), qui comptent pour 20 % des patients, on n’a pas de différence en terme de décès/IDM/AVC dans les deux bras (18,1 % versus 22,3 %, RR = 0,8, NS).

Prudence.

« Le signal d’excès d’hospitalisations pour IC ne doit pas être pris à la légère, selon N Sattar. Et on ne peut pas exclure un effet classe même si le signal n’est pas significatif dans EXAMINE, de plus petite taille. D’ailleurs, quand on poole SAVOR et EXAMINE, on a un risque relatif significatif de 1,24 (1,07-1,45). Dernier élément : on avait déjà eu un signal surprenant. Dans VIVIDD, étude comparant vidalglipitine versus placebo chez des diabétiques insuffisants cardiaques, on avait observé une augmentation des volumes ventriculaires gauches télédiastolique (p = 0,007) et télésystolique (p = 0,06) (Heart Failure 2013, Lisbonne), explique N Sattar. L’impact éventuel des anti-DDP4 sur le cœur, s’il se vérifiait, est néanmoins limité. Il n’est pas du tout de la même ampleur que celui des glitazones. Et sa pathogénie, inconnue, n’est pas liée aux œdèmes,néanmoins en attendant d’en savoir plus, il semble plus prudent d’éviter la prescription d’un anti-DDP4 chez les insuffisants cardiaques ».

Absence de signal pancréatique.

Les événements pancréatiques ont été scrutés avec une grande attention dans ces vastes essais prospectifs. En particulier après la méta-analyse publiée l’an passé mettant en cause les incrétines et plus particulièrement les agonistes GLP1. Or dans EXAMINE et SAVOR, on n’a aucun signal d’excès de pancréatites ou de cancers du pancréas. Ni même sur les pancréatites chroniques, suspectées de faire le lit du cancer. Seule réserve : la durée, limitée à 2 ans. « Dans SAVOR, après adjudication, on est à 24 versus 21 pancréatites dans les bras saxagliptine et placebo. Il n’y a pas non plus de différence sur les cancers pancréatiques (5 avec saxagliptine versus 12 sous placebo). On en a plutôt plus sous placebo.Qu’aurait-on dit si le hasard avait affecté l’autre bras ! » ironise I. Raz. Dans EXAMINE, on a observé 12 versus 6 pancréatites sous alogliptine et placebo (0,4 % versus 0,3 %), dont 5 pancréatites chroniques versus 4 (0,2 % versus 0,1 %). Et aucun cancer. Soit un taux d’événements très faible.

Plenary session: DPP-4 inhibitors and CVD: WB White, SR Heller (EXAMINE), I Raz, DL Bhatt (SAVOR), N Sattar (commentator).

légende photo: Il s’agit d’études de sécurité et non d’efficacité

 PASCALE SOLÈRE

Source : Le Quotidien du Médecin: 9273