Avec l’âge, si constipation et perte d’autonomie semblent faites pour rimer ensemble, le lien qui les a unis est plus complexe, de nombreux facteurs confondants entrant en ligne de compte. En effet, la polypathologie, la polymédicamentation ou le syndrome dépressif représentent des facteurs de risque importants, même chez le sujet jeune. Mais l’âge est aussi en soi un facteur de risque (RR= 2,61 après 80 ans). « Avec le temps, le ralentissement du péristaltisme est physiologique et près de la moitié des patients âgés sont constipés », précise le Dr Barbara Andreini (ancien praticien attachée au service de Gériatrie aiguë de l‘hôpital Beaujon, Clichy). Sans compter l’impact négatif des troubles locomoteurs et de la dépendance – caractéristiques du grand âge – sur la constipation. Mais il existe aussi une relation inverse entre autonomie et constipation : chronique et non traitée, la constipation a un impact négatif sur la qualité de vie : douleurs, perte d’appétit, repli social...
Au-delà de l’inconfort
Une des complications aiguës les plus fréquentes est le fécalome, dont un syndrome confusionnel peut être la seule manifestation clinique avec son risque de chute, d’hospitalisation, de iatrogénie, etc. Comme tous les événements aigus, le fécalome peut précipiter le déclin physiologique jusqu’au seuil d’insuffisance. C’est la théorie « 1+2+3 » de Bouchon (voir figure) qui analyse les performances d'un organe chez un sujet âgé sous l'effet du vieillissement, des pathologies de l'organe et des affections intercurrentes.
« Il faut rechercher un fécalome en cas de chute ou de confusion. Si le toucher rectal est négatif, il ne faut pas hésiter à demander un ASP ». Il faut également garder à l’esprit que la première cause de diarrhée en gériatrie est la fausse diarrhée de constipation : « Devant une diarrhée, il faut faire un toucher rectal à la recherche de fécalome ». Le fécalome peut aussi se manifester par des fuites urinaires « correspondant à des mictions par regorgement sur un globe vésical ».
D’un autre côté, les efforts de poussée liés à une constipation chronique contribuent à une descente périnéale excessive, favorisant l’incontinence fécale (54% des patients en institution). L’incontinence fécale est associée à un risque relatif de décès de 1,90, témoignant là encore des comorbidités associées : démences, maladies neurologiques (AVC, maladie de Parkinson, SEP), polyneuropathie diabétique… Une incontinence fécale « avec ampoule rectale pleine » doit être systématiquement recherchée et, le cas échéant, traitée comme une constipation. Non traitée, l’incontinence fécale est source d’isolement, de diminution des activités sociales et de restrictions alimentaires, toujours préjudiciables. « Il ne faut pas hésiter à donner un traitement préventif », conclut le Dr Andreini.
Une prise en charge progressive
« La prise en charge de la constipation nécessite une hydratation suffisante, une alimentation équilibrée et riche en fibres, de l’activité physique, une alternative aux protections (mise sur les WC ritualisée, aide au déshabillage …) et une vigilance quant à la iatrogénie », insiste le Dr Andreini.
Une fois le diagnostic établi, une lésion organique éliminée, repose sur une prise en charge progressive. La première consiste à éliminer les éventuels laxatifs irritants qui agissent en augmentant le débit d’eau et d’électrolytes dans la lumière digestive et qui exposent le patient à la dépendance et à la maladie des laxatifs. On veille à un apport hydrique suffisant, une consommation de fibres alimentaires en bonne quantité et en augmentant progressivement la posologie pour atteindre 30 g/j.
L’approche thérapeutique repose sur des mucilages au pouvoir hygroscopique important (ispaghul, psyllium, gomme de sterculia) associés en cas de douleurs à des antispasmodiques (trimébutine, mébévérine, pinavérium). Les agents osmotiques, tels le sorbitol, le lactulose, le lactitol ou le polyéthylène glycol, sont aussi des laxatifs de première intention. Si les laxatifs lubrifiants (type huile de paraffine) peuvent être utiles, les risques de carence en vitamines liposolubles voire de malabsorption médicamenteuse les cantonnent à la deuxième intention. Les constipations distales peuvent être traitées par des laxatifs administrés par voie rectale.
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