Le médecin du travail manager

Dans le flou de la loi

Publié le 05/06/2012
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Crédit photo : BSIP

« Les médecins du travail animent et coordonnent l’équipe pluridisciplinaire de santé au travail ». Voilà ce que dit la loi du 20 juillet 2011. Pour garantir toutefois le succès des projets de ce management médical, le rôle, la place et l’autorité du médecin ont besoin d’être mieux définis. En effet, s’il faut entendre derrière le libellé de la loi qui régit la réforme des services de santé au travail que le médecin du travail devient un manager, des interrogations surgissent. Plusieurs médecins peuvent-ils manager simultanément une même équipe ? Les principes élémentaires du management s’y opposent.

Les plans d’actions qui devront être mis en place dans le cadre des Contrats Pluriannuels d’Objectifs et de Moyens avec les DIRECCTE* et les organismes de prévention des Caisses de Sécurité sociale, sous-entendent la nécessité de priorisations, de décisions ou d’arbitrages au sein de l’équipe. Un médecin du travail peut-il piloter une équipe ou un pôle, à l’image de l’organisation nouvelle des Hôpitaux** ? Le Pr Jean-Marc Soulat du CHU de Toulouse s’en explique ici.

Le Quotidien du Médecin-L’absence de définition du rôle opérationnel du médecin du travail dans la Loi du 20 juillet 2011 autorise-t-elle chaque service à s’organiser comme il le souhaite ?

Pr Jean-Marc Soulat-Si le rôle opérationnel n’apparaît pas dans le texte de la loi, il existe déjà dans le Code du travail mais surtout dans les décrets d’application du 30 janvier 2012. Ce que j’évoque dans ma question, c’est la lecture ambiguë de la définition de l’équipe pluridisciplinaire et du rôle d’animateur du médecin du travail. Toutefois, il est vrai que cette incertitude laisse, de fait, une marge de manœuvre potentielle dans l’organisation de l’équipe pluridisciplinaire. Ainsi, les commissions médicotechniques ont toutes légitimé, à titre consultatif, le fait d’insuffler des propositions ou de réguler des modes de fonctionnement de l’équipe pluridisciplinaire pouvant être affichés dans le règlement intérieur.

Le fait de travailler déjà en trinôme avec un infirmier et un secrétaire médical peut-il être déjà considéré comme du management ?

L’équipe pluridisciplinaire n’est pas calquée sur un schéma médical classique médecin/infirmier/secrétaire mais sur la complémentarité de compétences dont on ne précise pas le rapport numérique et comprenant des professionnels d’horizons différents, en particulier les intervenants en prévention des risques professionnels. Du coup, le rapport d’autorité fonctionnelle du médecin vis-à-vis du reste de l’équipe devient plus proche du management que dans une configuration d’autorité hiérarchique médecin/assistants.

Tous les médecins du travail devraient-ils bénéficier d’une formation au management ?

Oui, à double titre : d’une part pour animer une équipe pluridisciplinaire et être reconnu dans ce rôle ; d’autre part, parce que les risques psychosociaux sur lesquels le médecin du travail est susceptible de formuler des propositions de prévention sont souvent liés à des problèmes organisationnels générés ou améliorés par des approches de type managérial.

Quel conseil délivreriez-vous aux médecins du travail et à leurs équipes à l’approche de l’application de la loi ?

On peut trouver dans la réforme de la médecine du travail nombre d’imprécisions et certaines contradictions. On peut y lire une accumulation de missions peu compatibles avec la réalité du terrain. Tout cela peut paraître incapacitant. Je crois que l’équipe doit au contraire en profiter pour rechercher la satisfaction du service rendu et du « travailler ensemble ». Autrement dit, c’est en se servant de la démarche de projet autour des actions qui leur sembleront les plus utiles que les équipes pourront trouver un vrai plaisir d’agir dans le champ des risques professionnels et du maintien dans l’emploi.

*Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.

**Loi Hôpital 2007, Loi Hôpital, Patient, Santé, Territoires (HPST).


Source : Le Quotidien du Médecin: 9136