Constipation

Des causes intriquées

Publié le 21/11/2014
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Un quart des hommes et un tiers des femmes après 65 ans sont constipés. C’est bien plus qu’en population générale, pour des raisons tant liées au vieillissement

Crédit photo : Phanie

La constipation est un trouble qui concerne 5 à 35 % de la population générale. Elle est plus fréquente chez la personne âgée, aux alentours de 50 % et jusqu’à 70 % en institution. En effet, « les personnes institutionnalisées ou en services de soins de longue durée sont souvent polypathologiques, polymédiquées et en perte d’autonomie, d’où la fréquence élevée de la constipation chez elles, explique le Dr Nadine Murat-Charrouf (service de médecine gériatrique, CHU de Rennes).

Avec l’âge, la fonction ano-rectale tend à s’altérer. On constate alors un émoussement de la sensibilité rectale avec un moindre ressenti du besoin, une diminution du tonus du rectum auquel s’associe un affaiblissement musculaire abdominal et de la tonicité du plancher pelvien.

Plusieurs autres causes primaires, dues aux conditions de vie de la personne âgée, entrent en jeu, comme une alimentation pauvre en fibres (« régime » inadapté, problèmes de dentition ou appareil dentaire inadapté...), une déshydratation (apports hydriques insuffisants, diminution de la sensation de soif avec l'âge, limitation de la prise de boisson pour éviter les fuites, diurétiques...), l’immobilité, l’alitement et, en institution ou à l’hôpital, la difficulté de l’utilisation du bassin, des délais tardifs de réponse aux appels etc.

De plus, il ne faut pas négliger dans cette tranche d’âge d’éventuelles causes organiques qu’elles soient de nature digestive (tumeurs, hémorroïdes, fissure anale, troubles de la statique pelvienne avec un rectocèle, un prolapsus rectal), neurologique ou neuropsychique (maladie de Parkinson, AVC, paraplégie, SEP, lésions de la queue-de-cheval ou des nerfs pelviens, syndrome dépressif, états démentiels). Les maladies endocriniennes ou métaboliques sont elles aussi impliquées, telle que l’hypothyroïdie, le diabète, les troubles ioniques (hypokaliémie, hypocalcémie, hypomagnésémie) et l’insuffisance rénale.

Fécalomes trompeurs

L’une des spécificités de la personne âgée, a fortiori confinée au lit et au fauteuil ou en institution, est la fréquence de l’impaction fécale, soit l’accumulation de matières dans le rectum le plus souvent, le sigmoïde ou le côlon distal. C’est, dans sa forme la plus sévère, le fécalome.

Outre l’absence de selles durant plusieurs jours « il ne faut pas méconnaître les manifestations atypiques du fécalome, méconnues et trompeuses, avertit Nadine Murat-Charrouf. Leur éventail est large : anorexie, vomissements, douleurs abdominales, fausses diarrhées, incontinence fécale (première cause chez le sujet âgé), rectorragies, incontinence ou rétention urinaire, syndrome confusionnel, agitation, fièvre, hypotension, syncope vagale etc. ». C’est pourquoi le toucher rectal est indispensable à l’évaluation de toute constipation avec un examen de la marge anale, une évaluation du tonus de repos et lors d’un effort de poussée, la recherche d’une impaction fécale, d’une tumeur rectale etc.

Encourager les règles hygiéno-diététiques

En plus du toucher rectal, des examens complémentaires ne sont pas forcément indispensables chez un patient âgé constipé, sauf si une cause organique est suspectée (altération de l’état général, amaigrissement, rectorragies, anémie ferriprive, masse à la palpation abdominale ou au TR…) mais aussi en cas de résistance à un traitement bien conduit.

Sur le plan thérapeutique, 60 % de la population est sous laxatif après 60 ans et les 3/4 des sujets âgés en institution sont sous laxatifs. Pourtant, avant d’avoir le réflexe « laxatif », il faut encourager certaines règles d’hygiène de vie telles l’activité physique, l’hydratation suffisante (1,5l/j difficile à atteindre chez le sujet âgé) et un apport en fibres suffisant (15 à 20 g/jour de son des céréales).

Quant à l’usage des laxatifs, utiles en cas de constipation par trouble de la progression, il faut toujours débuter par un laxatif non irritant (de lest : lubrifiant comme l’huile de paraffine, contre-indiquée en cas de troubles de la déglutition ; osmotiques sucrés ou PEG…) et l’associer, si la constipation se révèle rebelle, à un second laxatif non irritant ou à un laxatif stimulant. En cas de constipation par trouble de l’évacuation (dyschésie rectale) on utilise les suppositoires (à la glycérine ou à dégagement de gaz carbonique) et les lavements (microlavement 5ml en première intention ou lavement 160ml) en cas d’impaction fécale…

Hélène Joubert

Source : lequotidiendumedecin.fr